En mêlant questions politiques et jeu scénique enflammant, Adi Oasis a pris confiance en son art et offre son premier album au public ce vendredi. 

Un vol sans retour et tout commence. Adi Oasis a pris le pari de quitter la France à l’âge de 19 ans pour vivre un rêve américain à tous les niveaux. Devenue après des passages en groupes une chanteuse et bassiste reconnue, il a tout de fois fallu du temps à la française pour s’épanouir artistiquement. Son premier album aux touches étincelantes ne s’abstient cependant pas de se révolter contre les injustices si loyales (malheureusement) aux Américains. Un récit musical qui tentera de conquérir l’auditoire de l’hexagone tout en interrogeant le nouveau continent.

Retournons d’abord aux sources. D’où vient votre passion pour la musique et qui vous a marqué dans votre entourage ?

Je pense que tout part de ce que mes frères et soeurs écoutaient à la maison. Ce n’est clairement plus mes influences désormais mais mes premiers souvenirs de musiques sont Mariah Carey et Whitney Houston. Celui qui m’a vraiment marqué c’est Prince, c’est lui qui m’influence encore aujourd’hui. 

La basse est l’instrument qui vous caractérise. Quel est votre lien avec cet instrument au combien important dans l’album ? 

J’ai commencé par la guitare à l’adolescence pour créer mes premières chansons. Ensuite, quand je suis arrivé à New-York, je faisais partie d’un petit groupe un peu similaire au fugees dans l’ambiance. On enchaînait les concerts dans la ville à cette époque. Un jour, un bassiste qui devait nous rejoindre pour un concert à du décliner. Les gars m’ont dit : “pourquoi tu n’essaies pas la basse si tu sais jouer de la guitare”, alors que le concert était le lendemain. C’était le coup de foudre dès que j’ai posé mes mains sur l’instrument. Depuis je joue principalement de cet instrument. 

Depuis combien de temps habitez-vous à New York et quelle importance cette ville a-t-elle eu dans votre carrière ?

Je suis arrivé ici à 19 ans. C’est ici que ma carrière a commencé car je n’ai tout simplement pas tenté de débuter en France. Je ne sais donc absolument pas comment cela ce serait déroulé si j’étais resté en hexagone

Et comment vous sentez-vous par rapport à votre retour en France ?

Je pars bientôt pour une tournée en Europe avec une date à Paris. Je suis déjà revenu en France à la mi-novembre pour faire deux concerts et ça m’a fait ressentir beaucoup de choses. C’est un peu la consécration de revenir au pays après avoir abouti pour la musique. C’est un but qui s’est réalisé.

En 2018, vous avez entrepris une carrière de soliste après avoir fait partie d’un groupe. Pourquoi cette déviation ?

Le premier groupe dont je t’ai parlé était The Crown. Ensuite, j’ai rejoint un groupe qui s’appelait Escort qui était plutôt placé dans un genre new disco. C’est là que j’ai commencé à vraiment développer ma présence scénique et là où j’ai vraiment développé ma personnalité en général. J’ai quitté ce groupe car je commençais à vraiment m’appliquer dans ma propre production. J’avais des choses à exprimer que je ne pouvais pas forcément dire en groupe car on devait rester dans une logique commune. J’avais besoin de faire les choses à ma manière après ces deux passages en fin de compte. 

vous avez également fondé un duo de producteur nommé Nightshade après cette période. 

C’est le duo sous lequel je produis ma musique avec Morgan Wiley. Jusque-là, on a produit toute ma musique ensemble. Il fallait qu’il y ait un nom pour créer une identité à cette équipe de production car l’idée est aussi de produire pour d’autres artistes. Pour l’instant je suis vraiment concentré sur ma carrière mais c’est quelque chose que je compte développer de plus en plus au fur et à mesure.

Ce changement de direction vous a amené à travailler avec Chet Faker sur sa tournée en 2021. Qu’est ce qu’il vous a apporté musicalement et humainement ?

La tournée était géniale car je faisais sa première partie et ensuite j’étais sa bassiste sur son concert. J’avais l’impression que ça durait plusieurs mois car j’enchainais deux concerts par soir (rires). C’était d’une super expérience et ça me manque de jouer pour des personnes différentes. J’aime bien être sur le devant de la scène mais aussi accompagner un artiste car c’est génial de conquérir un public qui n’est pas du tout le sien. C’était aussi très cool d’être avec lui car j’ai pu vraiment décortiquer sa musique et j’en ai appris beaucoup. Sa musique paraît très simple mais elle est juste beaucoup trop efficace et dure à réaliser quand on s’y intéresse en profondeur. 

Ainsi, quel est l’artiste qui vous a le plus impressionné sur scène ? 

Prince. C’est l’artiste qui m’a le plus impressionné c’est sûr. Anderson Paak. aussi m’a beaucoup impressionné, surtout sur scène. Il a une prestance très atypique. J’ai aussi énormément aimé la prestation de Solange lorsqu’elle défendait l’album A Seat at a Table en 2016. 

Quel importance à le jeu scénique chez vous ? Vous semblez vraiment très impliqué dans vos clips et sur scène également. 

Je pense que je suis une artiste qui s’implique dans tout ce qu’elle fait. J’adore ce que je fais, j’ai de la chance de vivre de ma passion donc dès que j’ai l’occasion de pouvoir exprimer mon art je le fais.

Vous avez eu droit à un super remix de Masego pour ton titre “Mango” avec KAAMAU. Comment cela s’est déroulé ? 

Le manager de KAAMAU connaissait le manager de Masego. Il lui a proposé de faire un feat qu’il a accepté directement. On s’est rencontré pour la première fois par FaceTime et on a beaucoup discuté. Il est super cool comme mec. On est devenu amis depuis. Au début, il ne savait même pas que je produisais mes morceaux, il a vraiment apprécié ma façon de construire ma musique. Et en plus c’est vraiment un type super marrant.

Colors vous ont choisi pour défendre le titre « Whisper my name » en 2017, diriez-vous que c’est une forme de reconnaissance ?

J’ai adoré cette expérience car Colors permet à des artistes d’être exposé à un grand public. Cela m’a permis d’être découverte massivement. C’est eux qui ont choisi mon titre. Ils avaient vraiment la volonté de me présenter. C’était clairement un cap à passer et ça m’a permis d’atteindre un nouveau levier d’auditeurs. Ils ont vraiment un choix de sélection très précis, mais bien pensé.

Vous sortez ainsi votre premier album sous le nom de Adi Oasis, vous devez être vraiment impatiente de dévoiler votre nouveau visage au public. 

Cet album représente vraiment le début de ma carrière. J’ai les éléments en place et je suis fier de ce que je suis devenu. J’aspire toujours être meilleure chanteuse, meilleure bassiste, meilleure sur scène. C’est aussi quelque chose de très cathartique. C’est pour cela que j’explique mon histoire tout au long de l’album, du commencement de ma carrière à actuellement.

Quels sont les thèmes majeurs que vous défendez à travers l’album ? 

Pour le premier je dirais que c’est essayer de ne pas se soucier de ce que pensent les autres. Je parle de toute cette quête de s’aimer soi-même et de ne pas faire attention aux critiques. C’est très important pour un artiste. Il ne faut pas y penser sinon on se met des barrières. J’essaie aussi de parler de sentiments précis, de situation que peuvent vivre les autres et je pense que ça crée une vraie proximité avec le public. C’est également très politique. J’ai plein de choses à dire en tant que femme noire et immigré qui ne me plaisent pas.

Le titre “Multiply” sur votre album est-il politique ? Il parle des mères qui travaillent lorsqu’elles sont enceintes, j’imagine que c’est donc un titre contre ceux qui refusent l’avortement aux états-unis. 

C’est peut-être un des titres les moins politiques que j’ai fait pour moi. C’est plus un morceau sexy qui parle de désir et un peu une réponse au titre R&B des années 90 ou c’était toujours l’homme qui voulait une naissance. Il y a quand même une conscience politique contre les lois refusant l’avortement aux États-Unis où on voit que c’est encore les hommes qui décident des naissances.

Vous devez avoir une vision très différente des états-unis en vivant de l’intérieur. C’est quelque chose qui vous tient à coeur de dénoncer dans votre musique ?  

J’ai l’impression qu’aux États-Unis on a pas le choix de voir des Trump passer tous les jours à la télé. C’est clairement fatiguant. Il y a aussi des histoires de tir de masse toutes les semaines qui m’horrifient. Il y a une chanson dans mon album qui dénonce cette situation. 

Pourquoi avoir choisi de changer de nom ? 

Pendant mes années en groupe je ne me focalisais pas spécifiquement sur mon nom qui était Adeline car le groupe passait avant tout. Quand je me suis lancé en solo je voulais déjà changer mais on m’a découragé de le faire et puis je n’avais pas encore trouvé le nom qu’il fallait. Je n’avais pas encore confiance en moi. Il a fallu que je développe vraiment mon identité. Désormais j’ai trouvé le style qui me convient et le nom est venu naturellement.

Quelle place occupe la soul music en France aujourd’hui ?

Je ne sais pas où on est encore exactement par rapport à ce registre en France pour être honnête.  Je pense que c’est très important avant tout de ne pas copier les autres pays. Une fois qu’on essaie de faire ce que les Américains font, ça déforme notre musique. J’adore par exemple le groupe l’Impératrice et Christine and the Queen car on voit leur influence mais ça ressemble vraiment à de la musique française. Quand ça va dans l’imitation ça me plaît moins et c’est pour ça d’ailleurs que je suis parti aux États-Unis. Je ne voulais pas imiter les Américains, je voulais apprendre là-bas et créer ma propre identité. 

Qu’est-ce que vous vous souhaitez pour 2023 ?

J’ai super hâte de jouer cet album en live premièrement. J’ai aussi énormément envie d’être inspiré car quand on sort son album on fait beaucoup de promos et on a moins de temps pour se concentrer sur la musique. C’est quelque chose qui est fondamental pour moi de créer donc j’espère ne pas me reposer sur mes lauriers et continuer à m’améliorer.