Quelque temps après la sortie de son deuxième projet nommé Ouvert, le rappeur Enfantdepauvres nous a parlé de la conception du projet et des nombreuses influences qu’il a eu dans sa vie . 

Pourrais-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ? 

Moi c’est Enfantdepauvres, je viens du 94 et j’ai 27 ans. Je diffuse ma musique de façon officielle depuis 2 ans.

Pourquoi es-tu arrivé plus tardivement dans le rap ?

J’ai eu beaucoup d’influences musicales diverses au cours de ma vie. J’ai en moi ce mélange r &b, soul et rap. Ce qui m’a empêché de me précipiter vers du rap hardcore ou de la trap auparavant. J’ai donc patienté pour me lancer correctement. Je suis un amoureux de la musique mais je me suis souvent demandé si ma place était dans ce milieu. Quand tu manques de références dans la musique tu peux te lancer trop rapidement et te poser beaucoup de questions. 

Étant donné que tu proposes quelque chose de différent, ta place est libre. Tes questions n’ont-elles pas déjà trouvé réponse ? 

De mon ressenti ce n’est pas quelque chose qui est facile à admettre. Je connais mes qualités et mes défauts mais je n’ai pas 100% confiance en moi. A l’inverse, je me mets très souvent en situation de réflexion. Avant la musique était un jardin secret pour moi, il fallait taffer et faire rentrer les sous dans la réalité. C’est à partir du moment où j’ai sorti mon premier titre que j’ai pris confiance et que j’ai vraiment pu avancer. 

Tu as des influences peu communes au rap français. Quelles sont ces dernières ? 

Pour vous mettre dans mon contexte, les premiers albums que j’ai achetés avec mes sous étaient de Adèle, Otis Redding et Odd Future. J’ai donc plein d’influences dans tous styles musicaux au-delà du rap. Bien entendu il y a des albums de rap que je connais sur le bout des doigts. L’album Aller-Retour de La Fouine en fait partie car j’y retrouve tout ce qui me plaît dans ce mouvement. A savoir du rap, du chant et une bonne thématique. La Fouine était un rappeur atypique qui prenait des risques comme personne et c’est une des choses qui me plaît dans la musique. 

Que retiens-tu de EDP (saison 1), ton premier projet en date ? 

Les gens ont dans l’ensemble plutôt apprécié. De mon point de vue les retours ont été positifs mais je n’ai pas réellement pu le défendre à cause du covid. C’est dommage car pour un premier projet les scores étaient très respectables. Je pense que c’est sur scène que tu peux te rendre compte de l’impact d’un morceau ainsi que d’un projet. 

Tu reviens avec un EP de 6 titres nommé Ouvert, qu’a tu voulu montrer principalement avec ce projet ?

J’ai vraiment voulu appuyer sur mon ouverture vers différents univers, ce que j’avais déjà commencé à faire sur mon premier projet. Connaissant mon caractère, j’ai plutôt du mal à prendre des risques. Je préfère parfois me contenter de mes acquis. Sur ce projet, Joris Ebong (son bras droit dans la musique), m’a motivé à casser les codes. J’ai donc laissé parler mon coeur et je me suis découvert moi-même. 

Qu’as- tu découvert ? 

Je ne pensais pas pouvoir chanter de façon audible. J’avais du mal à imaginer une cohérence entre mon chant et ma musique. Finalement,  je me suis surpris moi-même, j’ai réussi à maîtriser mes cordes vocales. J’ai trouvé une direction propre à ce projet grâce à mes découvertes. C’est lors des sessions studios que tout s’est mis en place. Chaque journée passée à enregistrer était comme un “Level Up” pour moi. 

Tu as vraiment accentué ta polyvalence sur ce projet en proposant des sonorités planantes et groovys. C’est un album très riche au niveau de sa musicalité et de sa recherche au niveau des prods. On sent que tu t’es vraiment pris la tête au studio et qu’il y a eu un réel travail de fond, ce qu’on retrouve beaucoup dans QALF de Damso.  

J’ai une ligne de conduite qui se traduit par ne jamais forcer un son. Si je sens que mon flow bloque, je lâche et je passe à autre chose. A l’inverse, j’ai été très minutieux sur beaucoup de détails. Avec mon équipe on voulait quelque chose de Hip-Hop et de mon côté je voulais également créer un projet adapté à la scène. Ce n’a pas été un projet cérébral mais musical, où j’ai essayé de retranscrire un maximum d’émotions.

Je vois ce que tu veux dire quand tu compares ça à QALF car à l’écoute de cet album tu sais que Damso fait ce qu’il aime. Avec ce projet j’ai exactement eu le même principe : faire ce que j’aime et ne pas me fermer des portes. 

Ton écriture est singulière car on a l’impression que tu as besoin de tout extérioriser comme ton rêve de tuer un policier ou l’ensemble du morceau “Ouvert”. Est-ce le cas ? 

Il y a 7 milliards d’humains sur terre et pourtant chaque vécu à une ressemblance. Tu peux écouter du Bob Marley puis ensuite du Rohff car au final tu te retrouveras forcément dans un de leurs couplets. A travers ma musique j’ai besoin de parler de ma vie, des épreuves que j’ai traversées afin qu’un auditeur s’y reconnaisse. C’est ma manière de transmettre les émotions et de partager avec ceux qui me soutiennent. Il y a un “s” à enfant dans mon nom de scène car je ne chante pas pour moi mais pour tous ceux qui me ressemblent. 

Ton frère Kaza a t-il été un soutien fort dans ton début de carrière ? 

Je dirais que c’est plutôt moi qui l’ai poussé à se lancer. J’écris des textes depuis très jeune et j’ai toujours été passionné par le chant et le rap. Etant mon petit frère, Kaza a naturellement voulu suivre ce que je faisais. Au moment où j’ai compris sa vibe je l’ai vraiment encouragé à se lancer. A ce moment-là, j’ai également voulu démarrer, on a donc commencé au même moment nos carrières. Durant toute ma vie, Kaza me disait de sortir des sons, mais je n’avais pas une bonne vision de ma musique auparavant. C’est à partir de “Baltimore” que tout a vraiment commencé, que ma vision s’est éclaircit.  

Ta collaboration de rêve ?

Je te dirai Bob Marley pour son énergie, pour son talent. Je pourrai aussi te citer Michael Jackson. 

Tu lui ferai quoi à manger à Bob Marley ? 

Je commande un uber eats mon frère (rires), je lui montre comment ça marche et je l’invite. 

Une co-interview réalisée par Youcef Benouada et Malo Herve.