Dealer de Jean-Luc Herbulot fait office de trublion dans l’univers policé du cinéma français. Petit budget musclé sur les vices de la rue, Dan Bronchinson incarne son alter ego dans une plongée sans compromis ni complaisance au cœur du milieu underground, qui vient de trouver preneur dans la distribution française. L’occasion pour Hype Soul de rencontrer l’acteur et le réalisateur, entre réflexions cinématographiques et questionnements sur ce qui fait l’identité urbaine.
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Hype Soul – Pour commencer, une petite présentation pour ceux qui ne vous connaissent pas ?
Dan Bronchinson : Je suis acteur depuis bientôt 10 ans. Je suis devenu producteur grâce et avec Dealer. Je viens d’une famille modeste, ayant longtemps habité la banlieue parisienne, près de Gagny, Bobigny ou Rosny-Sous-Bois. Beaucoup de 93, en fait. J’ai eu un parcours avec 40 métiers pour autant de vies. J’ai fait beaucoup de conneries dans ma vie. Aujourd’hui, je suis dans le repenti. D’une certaine manière, le cinéma m’a sauvé.
Jean-Luc Herbulot : Ayant grandi en Afrique, je suis arrivé en France à mes 18 ans. J’étais pas forcément passionné directement par la réalisation. J’ai écrit, fait beaucoup de dessin, de musique, j’ai bossé dans le jeu vidéo… Le cinéma s’est placé au milieu de tout cela. J’ai monté mon association en 2005 pour faire des clips, quelques pubs, puis un premier court métrage avec tout l’argent qu’on avait collecté. Au fur et à mesure, j’ai rencontré des comédiens, des techniciens, puis Dan au cours de ces pérégrinations là. En discutant avec lui et avec la collaboration de Samy [Baaroun, ndlr] qui m’a aidé à finir le scénario, Dealer a émergé. Voilà maintenant un an que l’aventure a commencé. J’ai toujours voulu faire un film sur l’urgence, sur un mec qui doit quelque chose, ou qui doit sauver sa peau. Je voulais que ça se passe de nuit, dans Paris. En écoutant Dan et quelques unes de ses histoires, en les recoupant avec d’autres anecdotes et projets passés, le tout est devenu ce que Dealer est aujourd’hui.
HS : Dealer est un très petit budget : on se situe autour de 160 000 euros, une somme dérisoire pour un long-métrage. Le manque de moyens, c’est une contrainte ou une identité ?
DB : La dépense est venue au fur et à mesure. On a pas su évaluer le coût final du film lors de sa pre-production. Je le sais parce que j’ai raqué en grande partie pour les dépenses, et je peux dire qu’on est loin du montant initial qu’on s’était fixé, de manière un peu utopique d’ailleurs. L’important, c’est qu’il soit fait, et qu’il en soit là aujourd’hui.
JLH : On a fait avec ce qu’on avait. Quand tu fais un film, l’important, c’est de créer une atmosphère, via les comédiens, la technique ou l’artistique. Ce qui me paraissait judicieux dans le projet, c’est que le film parle de l’urgence. Vu que quand t’as pas d’argent, ce qui était notre cas, tu fonctionnes à l’urgence, ça collait parfaitement. Dealer s’est fait comme ça, et c’est mieux je pense. Je ne pense pas que le film aurait eu l’énergie qu’il possède actuellement si on avait triplé le budget. C’est pas un mal, il faut juste se dire que c’est un court-métrage. En plus long, quoi.
HS : Le tournage a de fait été mouvementé, avec de nombreux changements d’équipes de tournage et des conditions loin d’être idéales… Comment garde-t-on une unité d’image dans ces cas-là ?
JLH : Déjà, tu dis qu’il y a une unité d’image, donc c’est que c’est pas si flagrant que ça. C’est déjà une bonne nouvelle (rires) !
DB : Il y avait des consignes que Jean-Luc, les chefs opérateurs et toutes les équipes partageaient. Il faut toujours que l’alchimie opère, mais on avait une base précise et solide.
JLH : Dès la planification, on savait qu’on partait sur un projet où on allait en chier. La difficulté, on connaît, on a tous les deux fait des court-métrages par le passé, que ce soit par mon association ou par les expériences d’acteur de Dan. La somme de toutes ces expériences se sont mêlées dans Dealer.
HS : Y a-t-il eu des sacrifices ? Des scènes que vous auriez aimé tourner, monter, où le budget est devenu un handicap insurmontable ?
JLH : Deux scènes basées énormément sur l’émotion n’ont pas pu être réalisées, par manque de temps surtout. Sur dix jours, tu cours sans t’arrêter, t’es crevé… C’est des scènes qu’on aurait pu faire au début du tournage, mais l’autre souci, c’est que le niveau émotionnel n’est pas le même non plus. Sur ce genre de scènes, t’aimerais avoir un mois. En l’état, les scènes en question cassent un peu le rythme, c’est pour cette raison qu’on a décidé de ne pas les inclure dans le montage final. Après, c’est pareil pour tous les films, alors, pas de regrets.
HS : Ces scènes tronquées, ce ne serait pas celles qui concernent la famille de Dan ? Les moments de répit se font rares dans Dealer…
JLH : T’y es. C’était ces scènes là, des scènes d’émotion qu’on a pas pu tourner comme on aurait voulu.
DB : Avec nos petites économies et la pendule qui tournait, on a dû sacrifier ces scènes. C’était dur.
JLH : Tout ce qui touchait à sa famille, c’était un peu plus long au départ. On a notamment coupé une scène où Dan parlait à son père, toujours pour ces questions de rythme et de perfectibilité.
HS : Dan, Dealer est pour une bonne partie autobiographique, le personnage principal partage ton prénom… N’est-ce pas un peu dangereux de s’investir aussi personnellement dans une histoire ?
DB : Non, je ne pense pas. Toutes ces bêtises que j’ai vécues datent maintenant de plusieurs décennies déjà. Il y a prescription, ça fait vingt ans. J’étais un sacré énergumène, et j’ai changé. M’exposer fut loin de me faire peur, même si ça présuppose une certaine dose de vérité. Je me suis dit que c’était un échappatoire. Dealer, c’est mon univers mis en image, même si Jean-Luc a eu sa part dans la construction des images du film. Évidemment, il y a le devoir de créer un personnage de cinéma, on est pas dans la vraie vie. J’ai un passé, mais Dealer reste un film, écrit et réalisé par Jean-Luc Herbulot.
HS : Si Dealer est en partie un miroir, qu’est-ce que tu as ressenti quand tu as vu le montage final ?
DB : Quand on m’a donné l’ours [jargon pour pré-montage, ndlr], j’ai mis une semaine avant de le voir. J’avais une telle pression… A l’issue du premier visionnage, je me suis dit : « Y a un truc ». Il fallait encore le peaufiner, mais on avait quelque chose. C’était vraiment rassurant.
JLH : Les ours, c’est insupportable. Normalement, on les montre pas aux comédiens. Mais vu que Dan est acteur et producteur à la fois… En plus, je sais qu’il aime pas se voir, donc il y avait toutes les menaces possibles et inimaginables. Je savais que ça allait être complexe. Les ours, c’est jamais bien, de toute façon.
DB : Il y a pas le son, ou il est imparfait, le montage est encore en chantier, il y a des longueurs… On est dans la direction du film, mais c’est pas encore ça. Ma plus grosse crainte, c’est d’appuyer sur lecture et de ne pas arriver au bout, de ne pas pouvoir le voir. Heureusement, j’ai eu un bon sentiment dès le début. Je savais aussi qu’on avait encore du boulot.
HS : Il va falloir nous confier un petit secret. C’est quoi, la symbolique du gilet CCCP de Dan, l’emblème visuel du film ?
JLH : Je peux pas tout dire parce qu’il faut bien laisser les gens mariner un peu… La certitude, c’est que ce rouge pétant permet d’icôniser le personnage. De manière générale, je voulais le film assez froid, mais puisque le spectateur suit Dan pendant tout le film, il fallait lui donner une aura. C’est aussi un film sur le capitalisme, sur l’argent, sur des mecs qui se font tabasser pour récupérer des billets. Dans cet ordre d’idée, on a repris quelques éléments de forme comme de fond à GTA. Enfin, contrairement aux films américains ou asiatiques, on a rarement en France l’occasion de rencontrer LA figurine du héros. C’est pas innocent : en regardant Drive, par exemple, je me dis : « bordel, j’aimerais bien avoir Ryan Gosling en statuette ». Dans la vraie vie, un dealer va pas se balader dans la rue avec un gros sweat rouge en criant « Hey les mecs, c’est moi ». Quoiqu’on a réussi à faire croire à de potentiels distributeurs canadiens que c’est comme ça que tous les dealers s’habillaient en France. C’est à ça qu’on les reconnaissait… un peu comme les taxis (rires).
HS : Dealer accorde un soin tout particulier aux dialogues. Dan, tu as laissé à Jean-Luc et Samy Baaroud la tâche de les écrire. Jusqu’à quel point ?
DB : J’ai fait quelques retouches, mais très peu. J’ai réutilisé certaines expressions personnelles, généralement les plus piquantes. Le personnage étant proche de moi, donner du naturel, ça passe par des expressions qu’on possède au fond de soi.
JLH : Quand j’écris ou que Sami écrit, on le fait chacun de notre côté, en s’envoyant les versions. Quand on écrit, on ne pense pas au film. C’est comme un roman, on le fait pour la personne qui va le lire. Une fois le script de production entre les mains, il faut que les comédiens puissent manger les dialogues. Sur la voix off par exemple, on a écrit des pavés, on savait foncièrement que tout ne pouvait pas passer. Les comédiens nous disent au moment du tournage quand certains passages ne vont pas, dans le phrasé ou la rythmique. On était complètement ouverts à ça, surtout que j’adore travailler en impro. On demandait parfois aux comédiens de se lâcher, tout en notant qu’ils préféraient souvent coller au texte du script. C’est un vrai travail d’équipe, entre écriture et interprétation.
HS : Parmi les grandes inspirations de Dealer, il y a bien évidemment Pusher, le premier film de Nicolas Winding Refn…
JLH : Je me bats plus avec ça. Je me suis surtout inspiré de Pusher pour l’aspect de production du film, sur la problématique de réaliser un film avec ce budget-là. Je me suis tartiné tous les making of de Pusher. Ce qui rappelle Pusher au gens, c’est qu’on touche aux mêmes thématiques, avec l’archétype du revendeur qui ne peut pas payer son dernier coup… Il y a des codes de production qu’on a réutilisé, et qui évoquent ce genre de films. Après, j’espère que Dealer ne soit pas perçu comme une copie conforme de Pusher. Et puis, quand on entend que les gens appellent le film le « French Pusher », franchement, on prend, on va pas se plaindre (rires). Puisque je savais qu’on allait me titiller sur ce point-là, j’ai eu une discussion avec Nicolas pendant qu’il produisait le remake de Maniac Cop. Je l’ai eu au téléphone, en sachant pertinemment qu’il a vu les trucs que j’ai fait, dont Dealer. Je lui ai dit : « Est-ce que tu penses que je t’ai piqué ton film ? » et il m’a répondu que non, que c’était mon univers. Au moins, on m’attaquera pas là-dessus ! Pour revenir aux influences, il y a eu plein, plus empiriques qu’autre chose. Sur le rythme, j’avais Cours Lola Cours, Trainspotting… Beaucoup de gens me disent qu’il y a des airs de Guy Ritchie (Snatch, Sherlock Holmes), c’est pas vraiment mon truc. Cours Lola Cours, c’était vraiment la référence, surtout pour la manière de faire des plans innovants, sans se ruiner. De toute manière, quand t’es réalisateur, tu te grilles tout seul parfois. Je prends un exemple : j’ai fait un court-métrage nommé Sick, dans lequel j’avais fait un plan où un gamin se faisait tirer les yeux sur une photo. Je me disais : « j’ai créé un truc ». Je revois Seven il y a pas longtemps, on trouve la même séquence dans l’introduction. Spectateur comme réalisateur, on recrée souvent ce qui nous marque inconsciemment.
DB : Je t’avoue que j’ai pas une énorme culture cinématographique. Voilà maintenant 10 ans que je suis comédien, j’habite assez loin de Paris, donc je vis dans les allers-retours entre les tournages. C’est un peu bête, mais je regarde surtout les films que je fais. J’ai complètement eu confiance en l’univers de Jean-Luc après avoir découvert son travail. C’est pour cette raison que j’ai voulu parier sur ce film avec lui. Je ne voulais le faire avec aucun autre.
HS : Ce qui est plaisant dans Dealer, c’est qu’il évite l’écueil du thriller qui passe par la police ou par de grandes icônes du banditisme national. On parle directement des petits revendeurs de l’ombre. C’est un thème plutôt anglo-saxon : comment l’adapter dans l’environnement cinématographique français ?
JLH : Ayant grandi en Afrique, je n’ai connu que les films américains dans ma jeunesse. Je n’ai absolument pas connu le cinéma français avant mes 20 ans. Quand je rencontre Samy et qu’on commence à écrire ensemble, je vois des dialogues inspirés par Audiard dans ma structure anglo-saxonne. J’ai digéré ce cinéma là, en découvrant le cinéma français que j’aime sur le tard. Je ne me force pas à essayer de ressembler aux productions américaines, c’est naturel, plutôt. J’ai bossé aux États-Unis avant de bosser en France, aussi, ça y fait.
HS : Pourquoi le choix de Paris intra-muros alors que Dealer possède des thèmes qui collent à la banlieue ?
JLH : Dès le début, je voyais Paris, je voulais Paris. Je me suis installé dans la capitale à mes 20 ans. Autant de jour, la ville ne résonne pas pour moi, autant elle m’a tout de suite inspirée de nuit. La nuit, il y a quelque chose qu’on ne voit pas dans Paris. Ce qui m’emmerde, c’est que dans tous les films qui se passent à Paris, c’est toujours la même image, les mêmes lieux. Stratégiquement aussi, les producteurs étrangers ne voient pas ce Paris là, celui qu’on connaît avec Dan. Au final, on veut le représenter, aussi parce qu’on est très urbains dans nos cultures. C’est une facette qu’on voit rarement au cinéma.
DB : Tu voulais aussi éviter le cliché de la banlieue.
JLH : C’est clair que ça m’intéressait pas. J’ai fait des productions de banlieue, des clips de rap, je connais ce milieu par cœur. Deux films l’ont d’ailleurs parfaitement montré, c’est La Haine et Ma 6-T va crack-er. Deux extrêmes, un très sauvage, l’autre un peu plus mainstream. Jusqu’à aujourd’hui, ils sont encore référence. Moi, personnellement, j’ai pas grand chose à dire sur la banlieue d’innovant, surtout que je n’y ai pas grandi.
DB : Moi ça m’aurait pas dérangé quand même (rires). Je viens de la banlieue, j’y ai grandi, mais j’ai vraiment voulu faire confiance à Jean-Luc. Je l’ai juste aidé au niveau du casting, avec quelques têtes que je pensais cohérentes par rapport au film, tout en lui laissant les décisions finales.
HS : Éviter les clichés, c’est aussi passer par l’absence totale de Hip Hop, français ou US, dans le film…
JLH : Foncièrement, on voulait montrer que la rue, c’est pas que le Hip Hop.
DB : L’autre morale de Dealer, c’est que le milieu est composé de plus en plus par monsieur tout le monde. Il y a autant de Blancs blonds que de Blacks ou de Beurs.
JLH : On voulait pas tomber dans le film de dealers à la con. Après, c’est difficile de se détacher complètement. Les gens voient Dealer et s’imaginent un film de banlieue avec La Fouine et Booba dans la bande son. Une anecdote : je suis Noir, Sami est Arabe. Quand on arrive à la SACD [Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, ndlr], on dépose le dossier, la meuf regarde le titre : « Dealer« . Bonjour le cliché (rires) ! On aurait dû changer le titre en « Une longue journée dans Paris », ou une connerie du genre.
HS : Résulte de tous ces partis pris un fait : Dealer n’est jamais complaisant, ni naïf d’ailleurs.
DB : Le but, c’était quand même que la morale finale soit que la drogue, qu’on en prenne ou qu’on en revende, ça finit toujours mal. Il y a quand même un petit détail à la fin du film qui symbolise que Dan veut changer de vie.
JLH : Ce qu’on pensait dès le départ avec Dealer, c’est que le personnage ne se définit pas tant comme un dealer que comme quelqu’un qui veut s’en sortir. Il aurait très bien pu être électricien ou plombier, et arnaquer la mauvaise personne. Ce qui nous arrangeait, c’est que Dan connaisse ce milieu-là.
HS : On retrouve dans Dealer un éventail de toutes les figures qui composent le milieu. Un genre d’Avengers de l’underground, des putes aux gitans en passant par les bandes organisées… Comment faire pour concilier autant de figures ?
JLH : Dans un sens, Dealer est un conte. Chaque personnage est une clef qui permet à Dan d’avancer dans le scénario. C’est un jeu de rôle. En spoilant un peu le film, lorsqu’il va voir les gitans pour obtenir une arme, le fait qu’il ne l’ait pas directement mais via une série de services qu’il leur rend permet d’avancer d’univers en univers. On prépare la trilogie de Dealer, avec des microcosmes des métiers de la rue. Dealer 2 parlera des braqueurs et le troisième opus des receleurs. Le tout, en gardant le personnage de Dan comme lien entre tout cela. Dealer 2 reviendra sur la même journée que celle du premier film, mais du point de vue des gitans.
HS : Niveau distributeur, on rappelle que Dealer n’a toujours pas trouvé preneur en France. Comment se passent les négociations ?
DB : Actuellement, on a quelques touches. On y travaille. Pour l’instant, les gros distributeurs n’en valent pas la peine. C’est des gens qu’on a contactés, mais bien souvent, ils investissent en amont du film, avant même qu’il soit tourné. On intègre pas leur processus économique. Mais je suis persuadé que la distribution peut arriver à se faire par contact précis, une personne qui en connaît une autre… Y a que les cons qui changent pas d’avis. Nous, on lâche pas le morceau. Il faut avouer que je ne suis pas connu du tout, le casting ne dit rien au grand public, c’est le premier long-métrage de Jean-Luc… On ressort souvent ces arguments lors des refus. Une autre réponse, c’est que les distributeurs nous disent n’avoir aucune idée de comment vendre Dealer.
JLH : Quand tu fais des films hors-systèmes, c’est difficile de s’immiscer dans les line-up [calendrier de sorties, ndlr] des distributeurs qui sont planifiées sur deux ou trois ans. On a eu une réponse géniale. Sans citer le nom du distributeur, le responsable nous a envoyé un email nous disant : « On a adoré le film, mais on a pas les couilles de le distribuer ». C’était écrit comme ça. Je me suis dit, au moins, il est sincère ! Quand tu reçois ça, tu te dis que c’est compliqué, mais qu’on va continuer à se battre. Et puis, au final, c’est pas un cas typiquement français. Même à l’étranger, les films qui essaient de se faire acheter en France se heurtent à pas mal d’obstacles. Désormais, le cinéma part directement en DVD ou VOD.
DB : On a l’impression que le cinéma est en train de mourir et que tout ce qui subsiste, c’est les films « pop corn ». Les films à grand spectacle, à grand budget, mondialisés. Les autres sont condamnés à se contenter du numérique.
HS : Jean-Luc, tu es courtisé par le cinéma US, tu travailles plus avec eux qu’avec les producteurs français…De manière générale, comment expliquer que Dealer ait plus suscité de réactions à l’étranger qu’en France ?
JLH : Les productions françaises du style et du ton de Dealer se font extrêmement rares, comme tu le disais tout à l’heure. Dès qu’il y a un projet qui sort du lot, les étrangers sautent dessus. En France, il y a énormément de sorties par semaine, je peux comprendre que quand les distributeurs reçoivent le DVD de Dealer, ils passent à autre chose sans regarder. Faire un film directement là-bas, c’est exclu aussi. Stratégiquement, j’ai surtout fait des court-métrages, c’est difficile d’avoir la confiance des grands producteurs. Pour le casting, c’est pareil. Voilà trois ans que j’y suis, je commence à comprendre comment ça marche. J’ai préféré faire Dealer en France, là où j’avais mes contacts de confiance. Je pense qu’il y a quand même beaucoup de trucs à faire sur le marché français. Je peux te dire que des idées de film, j’en ai des pelletées.
HS : Il ne manquerait pas, en France, un distributeur qui fasse le lien entre petits budgets et salles obscures, où les profits viennent de la bonne idée, un peu comme ce que fait la société Blumhouse aux Etats-Unis ?
JLH : C’est marrant, je les avais rencontrés à l’époque où ils s’apprêtaient à sortir Insidious. Je peux te dire que personne ne croyait en eux. On les prenait pour des fous. A l’époque, j’avais un projet que je voulais faire pour 2 millions en Afrique. Ils s’y étaient intéressés. Quand je les ai vus, ils avaient des petits bureaux chez Paramount, personne voulait bosser avec eux. Quand ils ont transformé des films à 2 millions de dollars de budget vers 40 millions de recette, les grandes maisons se sont dit qu’il y avait un modèle. En France, ça peut arriver avec le plafond de salaires des acteurs qu’a fixé le CNC récemment. Je pense que c’était le gros problème. Quand tu vois qu’un acteur au cachet extrêmement élevé comme Ethan Hawke a accepté de tourner dans le petit budget qu’est American Nightare, c’est qu’il a dû prendre un pourcentage sur les recettes. Quand le film cartonne, il est heureux. Ça n’existe pas encore en France, parce que les acteurs se disent que les films en salle ne font plus d’argent. Ils réfléchissent pas à faire un petit budget à gros concept et au risque minimal, puisque de toute manière, tu ne perds pas énormément d’argent. Il y a un système qui va se mettre en place, qui fait que la profession va s’adapter.
HS : Si t’as un projet aux États-Unis, tu prends Dan dans tes bagages ?
JLH : C’est le genre de discussion qu’on a eu, mais je crois que son niveau d’anglais est encore perfectible (rires).
DB : T’inquiètes pas que je vais travailler mon anglais et progresser.
JLH : Surtout que les gens qui regardent le film là bas me demandent s’il parle anglais, s’il peut venir… Je leur réponds qu’il apprend. Les mecs sont intéressés. Je trouve d’ailleurs aberrant que les distributeurs étrangers posent plus de questions que ceux français. Ici, ils disent : « le film est génial, le comédien déchire ! », sans proposition derrière. Bossons ensemble, plutôt !
Propos recueillis par Robin Souriau
RT @HypeSoul_Off: L’interview urbaine : Dan Bronchinson & Jean-Luc Herbulot, créateurs de Dealer – http://t.co/QSkMksVYoa @JeanLucHerbulot …