Plus on monte haut, plus rude est la chute. Une expression qui résume bien la situation dans laquelle se retrouve l’équipe de France de basket-ball aujourd’hui. Attendus au tournant, les bleus auront au final été la caricature d’eux-mêmes, quittant la compétition dès le premier tour. A la croisée des chemins, entre une génération de cadres et l’arrivée d’une jeunesse pleine de promesses, l’heure est maintenant venue de faire des choix. Nous sommes à moins d’un an des Jeux Olympiques à Paris.
On ne change pas une équipe qui gagne ?
A l’aube de cette dix-neuvième édition de la coupe du monde de basket, l’équipe de France surfait sur une dynamique rarement vue auparavant. Troisièmes du mondial en 2019, médaillés d’argent aux olympiades de Tokyo en 2021 et finalistes de l’Eurobasket l’année précédente, les bleus n’ont cessé de répondre voire de dépasser les attentes au cours des dernières grandes échéances. A leur tête, les derniers représentants de la période Tony Parker (Nando de Colo, Nicolas Batum) et les cadors de la génération 92 (Rudy Gobert, Evan Fournier). Au vu de ces derniers résultats, il était légitime d’attendre la France comme étant un candidat sérieux au titre mondial. En dépit de plusieurs absences (Victor Wembanyama, Joel Embiid), la sélection tricolore affichait un effectif qui avait, sur le papier, tout pour aller loin dans cette la coupe du monde.
Il faut dire que les matchs amicaux en marge de la coupe du monde ne laissaient en rien présagé l’implosion qui a suivi. Si une faiblesse au rebond et des largesses en défense apparaissaient aux yeux de tous, l’inquiétude n’était pas de mise. Après tout, les matchs amicaux servent justement à faire les derniers réglages. Et Les bleus remportent six de leur sept matchs, confirmant ainsi leur statut et leur bonne dynamique. Le seul point noir se trouve du côté de l’infirmerie. En effet, Frank Ntilikina a été obligé de déclarer forfait en raison d’une blessure contractée face à la Lituanie tandis que Matthias Lessort manque l’intégralité de la préparation. La faute à une cheville douloureuse. Dans l’ensemble, c’est avec une relative confiance que les bleus s’avancent vers le nouveau défi qui les attend, sans se douter de la triste tournure que la situation va prendre.
Le Canada sonne la France, la Lettonie donne le coup de grâce
Pour les phases de groupes, le tirage au sort a attribué le Canada, la Lettonie et le Liban comme adversaires des bleus. Un groupe pouvant, certes, s’avérer piégeur, mais largement abordable. C’est à Jakarta, en Indonésie, que l’Equipe de France débute son parcours face à la sélection canadienne. Elle est composée en grande partie de joueurs NBA et il s’agit déjà d’un adversaire épineux pour les tricolores.
Si tout le monde s’attendait à un duel entre deux équipes de haut niveau, une seule va réellement exister ce jour-là. Il faut admettre que les bleus sont désorganisés en défense et brouillons en attaque. Evidemment, face à une équipe comme le Canada, ce genre d’erreur se paye cash : 95-65 ! Finalement, l’équipe de France est laissée au tapis par le Canada. Si la défaite fait partie du jeu, rien ne laissait présager une telle correction. Étouffés par la défense adverse en deuxième mi-temps, les bleus encaissent un 52-25 ! A terre, l’équipe se retrouve d’entrée dos au mur et dans l’obligation de remporter tous ses matchs.
Donc, plus de droit à l’erreur face à la Lettonie. Privés de leur meilleur joueur, Kristaps Porzingis, les lettons apparaissent d’emblée comme un adversaire bien plus abordable. Mais les constatations faites face au Canada restent les mêmes.
Tout parait difficile pour l »Equipe de France tandis que la Lettonie est dans un bon jour du côté de l’adresse. Malgré tout, les bleus assurent le minimum. Ils restent devant au score durant toute la rencontre…jusqu’à la dernière minute de jeu. Sur un floater, les lettons passent devant pour la première fois du match. Et il reste moins de trente secondes à jouer ! C’est la panique dans le camps tricolore qui, malheureusement, ne se relèvera pas. Pour preuve, le score final : 88-86. La France sort dès les premiers tours de la coupe du monde. C’est évidemment une contre-performance terrible. On peut même se demander s’il ne s’agit pas là du plus grand échec de l’histoire du basket français.
Une déception bien résumée par le capitaine Nicolas Batum : « À chaud, c’est une grosse déception. On a craqué mentalement, on a craqué physiquement, on n’a pas été ensemble. Ce match caractérise ce qu’il s’est passé depuis 5-6 semaines. On est une bonne équipe, on est une très bonne équipe. On a montré qu’on pouvait être au top européen et mondial plusieurs fois. On ne l’a pas montré sur cette campagne. Tout le monde doit se remettre en question : joueurs, coachs, fédération, là-haut… Tout le monde doit se demander pourquoi ça n’a pas été bon cet été. »
Les victoires en demi-teinte lors des matchs de classement face au Liban, l’Iran et la Côte d’Ivoire ne changeront rien à l’ampleur du désastre. Finalement, les bleus se classent dix-huitièmes de la compétition. Du jamais vu depuis l’édition 2002. Pas vraiment de quoi apporter de la sérénité à un an des Jeux Olympiques à domicile. *
Et maintenant ?
Après la catastrophe de la coupe du monde, l’heure est désormais à la reconstruction pour l’Equipe de France et la FFBB. Il est évident que la remise en question exigée par Nicolas Batum devrait bien avoir lieu. Pour commencer: le poste d’entraîneur. Occupé depuis 2009 par Vincent Collet, son départ est réclamé par une partie des supporteurs français. En effet, ils lui reprochent son manque de prise de risque et d’adaptation. Néanmoins, son contrat court jusqu’au prochain tournoi olympique qui devrait être son dernier sur le banc des bleus. Bien qu’un départ anticipé soit toujours possible, il reste difficilement imaginable au vu de ses accomplissements et de sa notoriété. Cependant, à l’heure où ces lignes sont écrites, la fédération ne l’a toujours pas confirmé à son poste pour les prochaines échéances internationales.
Par ailleurs, il faudra aborder la question de l’effectif. Autrement dit, pour faire parti du groupe France lors des prochains JO, les places seront chères. Il est difficile d’imaginer à quoi ressemblera la prochaine liste des douze tant de nombreux facteurs peuvent peser.
En effet, les expérimentés titulaires Evan Fournier, Rudy Gobert, Nando de Colo, Guerschon Yabusele et Nicolas Batum (qui prendra sa retraite à l’issue du tournoi) semblent avoir leur place dans l’effectif verrouillé. Mais quid de Elie Okobo, Matthias Lessort ou Youssoupha Fall qui sortent d’un mondial compliqué? Qu’en est-il, également, de la nouvelle génération de talents français incarnée par Victor Wembanyama, Bilal Coulibaly ou Ousmane Dieng? Ils attendent toujours leur première cape en sélection.
La plus grande énigme au sujet de l’effectif concerne Joel Embiid. Naturalisé l’été dernier, le MVP 2022-2023 n’a toujours pas annoncé quelle équipe nationale il représenterait à l’avenir. Enfin, dernier sujet sensible évoqué par Nicolas Batum : le cas des joueurs évoluant dans le championnat russe. En outre, l’Equipe de France a pris la décision d’interdire de sélection tous les joueurs jouant dans la VTB League. Le fait est que Thomas Heurtel (99 matchs en équipe de France, champion d’Europe 2013) a été écarté. Il a rejoint le Zénith Saint-Petersbourg en 2022. Bref, tant de questions épineuses auxquelles devra s’atteler Vincent Collet dans les mois à venir…ou bien son successeur.
A défaut d’avoir enrichi le palmarès des bleus, la coupe du monde 2023 aura néanmoins servi de piqûre de rappel. A un an des Jeux, la fédération doit se poser les bonnes questions pour éviter un nouveau désastre à domicile. Avec quel entraîneur ? Quels joueurs ? L’avenir nous le dira. Toujours est-il que cet échec devra servir, à tous, de leçon d’humilité en vue des prochaines échéances. Tout autre résultat qu’une médaille sera forcément perçu comme une déception.