Hauksy c’est la petite bouffée d’air frais que l’on attendait ! Le jeune rappeur originaire de Neuilly-sur-Marne (93) invite au voyage dans son deuxième projet, ID. Dans cet entretien l’artiste nous raconte son enfance passée aux Fauvettes, revient sur ses influences musicales hybrides et sur son besoin d’évasion pour créer un univers qui lui ressemble. Rencontre.
Qui es-tu ?
Moi c’est Hauksy jeune artiste de 25 ans en provenance de Neuilly-sur-Marne, quartier des Fauvettes dans le 93.
C’était comment de grandir aux Fauvettes ?
C’était sympa, comme dans tous les quartiers. Quand on est jeune, on ne pense qu’à s’amuser et à la cité, comme il n’y avait pas de structures pour qu’on puisse faire des choses, on était en bas, on jouait au foot. Moi je me suis essayé à la musique et ça m’a plu, donc que des bons souvenirs.
Tu as commencé la musique au quartier, y’a t il autre chose qui t’a donné envie de faire de la musique ?
Non principalement c’était le quartier parce que comme dans toutes les cités il y a les plus grands qui font de la musique. Tu vois les clips, tu vois tout l’engouement qu’il y a autour de leurs projets, et du coup tu as forcément envie de faire la même chose ou au moins essayer. J’ai commencé avec mes potes, on a écrit des petits textes, on faisait des petits freestyles dans la cave. Pour moi c’est devenu un peu plus sérieux par la suite, alors que pour eux c’était juste un amusement, ça leur est passé.
Tu écoutais quoi quand tu étais plus jeune ?
J’écoutais les rappeurs de mon quartier NSM Hallstar, Double Dose… A l’époque du collège j’écoutais Wiz Khalifa, Mac Tyer, pour ne citer qu’eux. Aujourd’hui j’ai vraiment élargi, j’écoute vraiment de tout. Je peux écouter des chanteuses anglaises comme des rappeurs américains. J’écoute beaucoup de femmes aussi, je trouve ça sympa.
Pourquoi ?
Je trouve qu’au niveau de l’inspiration ce n’est pas pareil que les hommes. Dans le milieu de l’urbain, les hommes c’est souvent assez brut, alors que les femmes c’est plus lié généralement à la mélodie. C’est beaucoup plus intéressant pour les inspirations, pour la musique que je fais.
J’aime bien Mabel, Mahalia en Angleterre, Ella Mai aux États-Unis. C’est principalement celles que j’écoute.
Tu nous racontes ta première session studio ?
C’était stylé ! C’était dans un home studio d’un grand de mon quartier. Je l’ai tellement harcelé, qu’il a accepté de m’enregistrer avec mes potes. Je me rappelle qu’on y allait le mercredi après-midi, il faisait semblant de ne pas entendre quand on sonnait à la porte (rires). Quand on était à l’intérieur on savait qu’on n’avait pas beaucoup de temps alors il fallait profiter, et là on lâchait tout ce qu’on avait ! C’était super cool et c’est comme ça que j’ai voulu apprendre à utiliser les machines, à enregistrer tout seul, les logiciels… Aujourd’hui j’arrive à faire la plus grande partie de la production. C’était une bonne expérience, très formatrice.
Tu te rappelles du premier titre que tu as écrit ?
La question piège (rires) ! Le premier titre je m’en rappelle c’était un titre avec toute mon équipe, ça s’appelait « Représente ». On parlait de notre quartier, c’était un peu un délire egotrip « moi je suis le plus fort, je rap mieux que toi » c’était un peu ça l’ambiance (rires).
Tu as sorti un projet de 9 titres du nom de ID, que représente ID pour toi ?
ID c’est moi. Dans ce projet je voulais vraiment poser les bases. J’avais sorti un autre projet l’année dernière MOICESTHK, Vol. 1, mais c’était une compilation de tous les sons que j’avais en stock. Avec l’équipe on a décidé de faire un pas en avant, d’avoir une démarche plus professionnelle et de travailler vraiment sur le contenu. On a travaillé sur les instru, j’ai réussi à trouver des beatmakers qui m’ont accompagné tout au long du projet. J’ai enfin pu trouver les sonorités qui me ressemblent parce que c’est très difficile en cherchant sur YouTube (rires). ID c’est un projet qui me ressemble, c’est la musique que j’aime faire et que je sais faire : tous les terrains sur lesquels je suis à l’aise.
Comment as-tu créé ce projet ?
On a beaucoup bougé pour la conception du projet, j’adore partir de la cité, ça me permet de souffler. On a fait deux séminaires, en janvier et il y a environ 1 mois pour travailler les titres du projet. Avec toute l’équipe et parfois avec des réalisateurs ont a bougé pour créer, alors que l’objectif principal était de faire de la musique. On s’en allait avec des beatmakers, des cuisiniers, du soutien psychologique aussi… Toutes les personnes qui m’entourent au quotidien et qui sont importants pour moi.
Tu as une anecdote sur l’un de tes séminaires à nous raconter ?
Alors oui (rires) ! Premier séminaire au mois de janvier, il fait super froid mais tout se passe bien jusqu’au dernier jour. J’ai un ami dont je ne citerai pas le nom, qui décide de faire un saut de l’ange sur une table de ping-pong… Ça nous a coûté 380€, d’ailleurs l’agence nous court toujours après pour que je paie. Et c’est souvent comme ça (rires). Mais c’est ce qu’on aime aussi; ça nous permet de créer des souvenirs et ça je pense que l’on ne l’oubliera jamais.
Pourquoi c’est important d’avoir créé ce projet en équipe ?
Parce que je suis entouré de gens en qui j’ai totalement confiance et qui sont tout aussi exigeants que moi. Je me sens bien avec ces gens-là, et quand on est tous ensemble, il y a une énergie que je ne peux pas retrouver quand je suis seul. J’aime bien prendre la tête du beatmaker quand il fait son instru, pour lui dire de changer telle ou telle chose. Je suis chiant mais il y a une énergie, un échange, un partage, et je trouve ça hyper important.
Quel est ton titre préféré sur ID ?
J’ai beaucoup d’enfants, là j’en ai neuf… Mais s’il faut en choisir un, je dirais “Paradis”. Les sonorités sur ce titre sont différentes de ce que j’ai pu faire auparavant. Il y a de la guitare, j’adore cet instrument, cela fait un peu “rock” et le clip est génial ! C’est aussi le titre qu’on a enregistré le plus rapidement, en 30 minutes/1 heure, au premier séminaire.
Comment décrirais-tu ta musique en 3 adjectifs ?
Large, mélodieux… J’adore tout ce qui est mélodieux, heureusement qu’il y a l’auto-tune d’ailleurs. Enfin je dirais “voyage”, ce n’est pas un adjectif mais ça me permet de définir mon univers. Quand je fais de la musique, pour juger si les morceaux sont bons, je les écoute dans les transports ou en voiture. Sur ce projet il fallait qu’il y ait un son qui s’écoute parfaitement le soir quand tu rentres, un son speed qui te booste… Il fallait toutes ces choses-là et c’est comme ça que j’apprécie la musique. Chaque titre peut s’écouter à différents moments de la journée, donc je peux t’accompagner partout où que tu sois. C’est ce que j’ai envie d’offrir aux gens.
La mélodie prend beaucoup de place dans ta musique, tu chantes, tu rap, dans quel style te sens-tu le plus à l’aise ?
J’ai commencé avec le rap, et puis j’ai commencé à écouter d’autres musiques que celles qui se faisaient en bas de chez moi. Ça m’a permis de découvrir de nouvelles sonorités, des voix, et j’ai directement accroché. Aujourd’hui je me sens beaucoup plus à l’aise sur ce genre de musique, et dès qu’il y a de la mélodie je trouve que cela amène la musique ailleurs. Tu touches une autre partie de l’auditeur, alors que le rap tel qu’on le connaît, je suis moins fan.
Il peut m’arriver de faire des textes egotrip où je suis plus dure, j’utilise des termes plus crus.. L’interprétation est plus forte aussi, mais ce n’est pas ce que je préfère. Comme il faut un peu de tout, j’ai envie d’être un artiste polyvalent, de temps en temps je le fais.
Il y a un titre que j’ai beaucoup aimé sur le projet, c’est le titre “Life”. Sur ce morceau tu dis « Je m’en bat les couilles, du rap il fallait juste que je pousse un cri ». C’est comme ça que tu vois ta carrière ?
Par cette phrase je voulais faire comprendre aux auditeurs que je m’en fou de faire quelque chose pour plaire. Je pense qu’actuellement on est dans un courant musical où pour être validé, il faut faire soit de la drill, soit de la trap, faire ce que les gens aiment. Moi je n’ai pas envie d’arriver de cette façon. J’ai envie d’arriver avec ma proposition qui me ressemble totalement, mon ID. Par l’intermédiaire de cette musique que je vais vous proposer, vous allez me découvrir : tout ce que je ressens, mes faiblesses, mes envies, mes déceptions… Il faut que ça me ressemble avant que cela plaise aux gens.
Pourquoi avoir choisi ce titre très introspectif, où tu dévoiles entièrement pour clôturer ton projet ?
J’ai toujours dans mes projets, un morceau ou deux où je me livre sans filtres. C’est le morceau que je veux le plus simple et moi j’fais tout le reste. C’est la colonne vertébrale du projet.
Qu’est-ce qui te différencie des autres rappeurs du rap game ?
Je pense principalement à l’image et la musique. La vie est trop triste en ce moment et moi j’essaie d’apporter des belles images, des beaux paysages dans mes clips. Je pourrais faire comme tout le monde, ce n’est pas une critique, et faire les choses de la manière la plus simple possible en bas de mon quartier ou dans la ville d’à côté etc. Moi j’aime bien voyager, faire kiffer les gens, produire du rêve. Je pense qu’en faisant cela, ça montre qu’avec le peu de moyens qu’on a, à notre âge on peut quand même s’organiser et faire de grandes choses. C’est aussi ça que j’ai envie d’apporter aux gens, l’envie de se bouger et s’autoriser à rêver.
Si tu pouvais remonter le temps et donner un conseil à ton toi enfant, c’est ce que tu lui dirais ?
Je lui dirais “crois en toi, crois en ce que tu veux faire et n’écoute pas les gens. Même si par moment c’est difficile et qu’il y a beaucoup de doutes, fonce ! Il faut croire en quelque chose; il te faut une motivation même si tu ne sais pas si cela va fonctionner. Je ne sais pas si la musique va fonctionner pour moi, si dans cinq ans on aura ouvert le studio, si on sera des superstars, mais je le fais quand même, et ça c’est important. »
Tu te vois où dans cinq ans ?
Dans cinq ans je me vois au soleil (rires) ! Au soleil avec toute mon équipe, on aura monter un studio dans cinq ans je pense, c’est notre objectif. J’espère qu’on aura avancé dans la musique, qu’on aura réussi à se professionnaliser et qu’on aura accompli quelque chose de grand. C’est tout.
Le mot de la fin ?
Le projet est sorti, allez m’offrir mon premier disque d’or parce que ça coute très très cher (rires) !
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