De retour en 2023 avec un album intitulé Is It You ?, Ben se confie intimement sur sa carrière et sur ses renaissances artistiques.
Se relever après avoir été un “One-hit wonder” relève d’une performance aussi difficile que parvenir au rang de star dans la musique. Certains sombrent, d’autres s’accrochent à leurs rêves et une infime partie réussit à embrasser de nouveau le succès. Ben, anciennement Ben L’oncle Soul, fait partie de ces derniers, qui par la passion et l’acharnement se sont offert une deuxième carrière.
Tout s’annonçait pourtant chaotique à l’origine pour l’artiste Tourain. Son élévation instantané au rang de star avec le hit “Soul Men” se transforme par la suite en un fardeau. L’instable pastille de la variété française née avec ce succès embrouille la réception du public sur son deuxième album sorti en 2014. Enregistré dans des conditions équivalentes à celle des années 60 pour rendre hommage à une ère déchue, À Coups de nos rêves est incompris et devient un échec commercial cuisant.
Une déchéance qui a finalement réveillé ce qu’est Ben en lui-même : une voix au service de la scène qui fige le spectateur à son retentissement. Cette grâce sonore que porte l’artiste s’est ainsi de nouveau illustrée après 2014 par des triomphes comme ses reprises de Frank Sinatra ou ses prises de risques tel Red Mango. Une renaissance teintée de travail et surtout de passion.
Se sacrifiant pour la créativité, Ben aura finalement céder à ce qu’il est vraiment. Son prochain album, Is It You, revisite ce besoin d’exister et nous en apprend plus sur cet humble personnage.
Comment as-tu baigné dans la musique plus jeune, écoutais- tu des rappeurs ?
Le rap est la musique de ma génération, je suis né en 1984 donc forcément j’ai pris du plaisir à me prendre cette culture. Mais c’est surtout ma mère, qui est née dans les années 50, qui m’a fait découvrir la musique soul. Elle a eu dans sa jeunesse un correspondant américain qui lui a transmis la culture noire-américaine, ce qui n’était pas très courant en France. J’ai donc grandi avec Aretha Franklin, Otis Redding ou James Brown dont ma mère était très fan.
Tu écoutais donc pour le coup beaucoup plus de rythm & blues et de soul ?
Pas forcément. Le rap a aussi été une révolution pour nous quand on était jeunes. On s’est mis à faire du beatbox et j’étais aussi très influencé par le saïan supa crew qui par leur démarche éclectique était novateur. J’ai également écouté du Sniper, Oxmo Puccino, Fabe, Busta Flex.
Parlons de tes débuts. Ta carrière débute au sein d’un groupe de gospel, comment cela a influencé ta manière de composer ta musique et ton jeu avec le public ?
Je n’étais pas très identifié à l’époque mais ça m’a permis de travailler sur l’harmonie et de composer des chœurs dans la suite de ma carrière. Pour le live j’ai eu d’autres d’expériences qui m’ont forgé avant. Les premières parties de Diam’s lorsqu’elle était au sommet de sa carrière notamment. Elle m’avait signé sur son label, Motown France, et je me suis donc retrouvé à faire les premières parties de ses Zéniths. Je l’ai vu retourné des salles en une fraction de seconde et j’ai pris des claques d’émotions qui m’ont permis de me forger sur scène.
Après cette expérience j’ai sorti mon premier maxi (Soul Wash) où je prenais de façon décalée des titres comme “Barbie Girl” de Aqua (rires). C’est là que j’ai sorti “Seven Nation Army” qui est mon premier succès. Ensuite j’ai rencontré le rappeur Beat Assaillant , basé à Paris depuis 2004, qui m’a recruté en tant que choriste. On a fait des énormes scènes ensemble comme les Solidays et c’est là que j’ai vraiment appris comment fonctionnait un concert.
Parlons de ta signature à Motown France, comment cela s’est passé, il y avait une forme d’enchantement ?
C’était comme si ton enfance venait te chercher. Signer dans un label aussi prestigieux était déjà une forme d’accomplissement pour moi. Motown France n’avait rien de comparable à celui des États-Unis des années 60 donc je ne pensais pas non plus à un héritage mais c’était quelque chose de très symbolique
Ton premier album éponyme a été un carton international, comment as tu vécu cette explosion, as tu eu peur ?
On était très excité voire très survolté par tout ce qui se passait autour de l’album. On hallucinait de ce qui se passait mais on mordait la vie à pleines dents, on était jeune. Il y a eu forcément quelques moments de vertiges mais j’en garde un très bon souvenir car ça a été quelque chose de très formateur.
Quelles sont les collaborations dont tu es le plus fier ?
Le dernier titre que j’ai fait avec IAM m’a beaucoup marqué. On l’a tourné chez eux à Marseille, on a marché sur leur pas. Ils m’ont raconté beaucoup d’anecdotes, montrant des endroits de vie comme le local où ils ont commencé à rapper. Le fait qu’il nous ouvre les clés de leur ville a été l’une de mes plus grandes fiertés dans ma carrière.
Tu vient de Tours, connaît tu l’autre artiste phare de ta ville à savoir Biga*Ranx ? Comme tu es parti dans une direction reggae récemment c’est un personnage que tu as dû fréquenter non ?
Bien sûr, mais je ne l’ai jamais rencontrée. Le reggae est un peu une parenthèse dans ma carrière donc on a pas eu l’occasion de collaborer. Par contre j’adore ce qu’il fait. J’ai regardé sa dernière Chambre Noire sur Radio Nova, je trouve ça vraiment super bien réussi.
Tu as reçu une Victoire de la musique en 2012 dans la catégorie scène, comment perçois- tu cette récompense aujourd’hui ?
On a beaucoup travaillé cette année-là. On a fait plus de 300 scènes, on a tourné partout à la radio et à la télévision donc avoir cette récompense pour notre énergie était gratifiant. D’ailleurs elle est chez moi sur mon buffet juste à côté là (rires).
Woaw, 300 scènes ! Comment as tu fait pour tenir le rythme ?
Le truc qui est assez dingue c’est qu’avant le succès de mon premier album, on était programmé dans beaucoup de clubs en France. Quand l’album a cartonné, mon manager m’a proposé d’annuler ces scènes pour me concentrer sur les plus importantes à savoir des gros festivals ou des zéniths. Je lui ai répondu que c’était inenvisageable d’annuler avec ces clubs parce qu’ils ont cru en moi dès le début. Je ne pouvais pas leur fermer la porte parce que tout d’un coup je suis devenu populaire. En plus j’aime beaucoup les petits clubs, je trouve ça intimiste. Ces 300 scènes nous ont beaucoup occupés mais on n’a jamais arrêté de vivre le moment avec passion.
C’est respectable comme valeur de rendre hommage à des gens qui t’ont fait confiance à tes tout débuts.
Tu sais il y a eu une forme de Karma avec ça. Mon deuxième album a floppé car il est peut-être sorti un peu trop tard et a été incompris mais j’ai réussi à maintenir le cap grâce à ces programmateurs de salle, qui, malgré mon succès qui s’était estompé, m’ont toujours soutenu. Ils me disaient : “on se souvient de tes concerts, à chaque fois que tu es venu, tu as mis l’ambiance”. C’était vraiment très important pour moi car après cette déception je ne savais pas comment me relever. A cette époque je pensais que j’allais devoir retourner à un travail plus ordinaire on va dire. Quand j’ai vu que les programmateurs me faisaient encore confiance, j’ai pensé à une forme de karma positif pour mon soutien envers eux lorsque j’étais au plus haut de mon succès.
Tu as remis en question ta carrière ensuite avec ton deuxième album A Coups de rêves, avais tu besoin de sortir de ta zone de confort en l’enregistrant comme dans les années 60 ?
Je ne m’étais pas rendu compte pour être honnête de comment était perçu le premier album. Pour moi ce n’était pas un album de hits, c’était un album purement Soul dans lequel je cherchais à m’amuser. Le hit “Soul Men” a été une forme de gommette posée sur moi qui m’a même placé dans la variété française. Avec mon deuxième album, j’ai voulu pousser encore plus ce délire Soul mais je pense que les gens voulaient que je me conforme plus dans une pop orientée variété française. J’ai donc enregistré cet album comme dans les années 60 avec des musiciens spécialisés aux États-Unis. Je trouvais ça super original mais les gens n’ont pas accroché. Avec du recul la plupart des gens qui me suivent actuellement adorent cet album et ça c’est une fierté.
Tu as sorti un album reprenant les plus belles chansons de Frank Sinatra en 2016 intitulé Under my Skin. Puis il y a eu un creux de quatre ans jusqu’à ton retour en 2020, que s’est t’il passé ?
Avant 2016 on a réussi à péter le score sur une reprise acoustique de Frank Sinatra. Il y a eu un engouement international autour du disque qui accompagnait ce morceau. On a joué à New York, en Italie et même au Japon. On a donc beaucoup voyagé pendant plusieurs années. Ensuite, j’ai énormément travaillé l’album Addicted to you. J’ai beaucoup travaillé avec ma communauté car je sais que beaucoup de musiciens me suivent sur les réseaux. Je me suis aussi rendu compte que beaucoup de gens ont accès à des studios chez eux aujourd’hui, j’ai ainsi créé certains morceaux avec ma communauté. Ça a été très long de créer une homogénéité avec toutes les propositions que je recevais mais on a fini par y parvenir.
En 2022 tu est revenu avec un album orienté Reggae : Red mango. Est ce qu’il y avait une volonté de se détacher de l’étiquette soul ? Tu as d’ailleurs modifié ton nom de scène pour Ben.
Bon en réalité on m’appelle toujours Ben L’oncle Soul parce que c’est comme cela qu’on m’a connu mais j’ai subtilisé la fin pour ne garder que mon vrai prénom, j’avais besoin de changement. Il n’y avait pas forcément cette nécessité de se détacher de la Soul mais j’ai constaté que le reggae avait toujours eu une importance particulière dans ma vie.
Il y avait toujours chez moi un disque de Bob Marley en dehors de la boîte remplie de disques de Soul et Funk. De plus, j’ai des origines créoles. Malheureusement je n’ai pas grandi là-bas, je ne connais pas la langue mais le reggae est un moyen pour moi de retourner à mes sources. Le déclic a été aussi la découverte du label Studio One. Leur concept est de reprendre des morceaux qui marchent bien aux États-Unis et de les faire à la sauce reggae. J’ai trouvé ça excellent et j’ai essayé de poursuivre la tradition de ce label
Parle-nous de ton prochain album nommé Is It You ?, quel place a-t-il dans ta carrière ?
L’album est très intimiste et très personnel du fait qu’il a été construit pendant la période du covid. C’était une période où tu étais confronté à toi-même et ou tu ne pouvais jouer sur scène. Je me suis alors demandé qu’est-ce que je pouvais faire tout seul ? L’album est ainsi une conversation avec moi-même ou je me pose des questions un peu ésotériques. C’est un bilan de mes inspirations et de ce que je crois.
Que souhaites- tu aboutir symboliquement avec ce nouvel album ?
Il y a des énergies que je n’avais pas été cherché avant, des ambiances plus douces, plus intimes. Ce n’est pas quelque chose de démonstratif, ce n’est pas une performance, c’est quelque chose qui est vraiment moins artificiel. C’est un album plus simple qui ressemble trait pour trait à ce que je faisais à mes tout début de ma carrière, chez ma mère sur son piano. Avant le début d’une grande aventure.