Pour la sortie de son nouveau projet intitulé MP3 + WAV, Hypesoul a rencontré le talentueux Sean. Entre reggaeton, trap et cloud rap, le jeune parisien s’inscrit dans une nouvelle ère du mouvement Hip-Hop. Découvrez son univers dans cet entretien.
Qui es-tu ?
Moi c’est Sean, je vis actuellement à Montreuil, et je fais de la musique depuis 2 ans. Je viens de sortir mon 3ème projet, qui est sorti dans un contexte particulier à cause d’un cambriolage.
C’était comment de grandir dans le 20ème arrondissement ?
J’ai passé une superbe jeunesse, franchement j’ai bien grandi. Tous mes gars viennent du 20 et j’y traine souvent encore aujourd’hui. J’ai mes repères et je pense y habiter plus tard.
Tu est donc actuellement à Montreuil, es-tu connecté avec les artistes de la ville comme Prince Waly ou Triplego ?
Je n’ai jamais rencontré Triplego et Prince Waly mais je suis très proche d’Ichon. C’est mon voisin et c’est un gars que j’adore, je passe limite Noël avec lui. Il y a aussi d’autres artistes à Montreuil avec qui je suis connecté tel que Edge. Je traine souvent rue du Dr Calmette car il y a là-bas trois studios d’enregistrement, l’ambiance est cool et ça me permet de me connecter avec les artistes locaux.
Comment as-tu commencé dans la musique ?
Tout a commencé dans la cour de récréation, j’ai appris à kicker avec mes potes entre les cours. Chacun devait faire son meilleur seize. Au bout d’un temps je me suis découvert une passion. J’étais déjà un passionné de musique à l’origine car je manipulais certains instruments, j’ai donc allié cela au kickage.
Ton projet à une aura particulière car il est sorti à cause du cambriolage de ton studio. Comment as-tu persévéré après ce dur événement ?
C’est arrivé le soir du 14 Juillet, je faisais la fête comme tout le monde. Le lendemain, mon meilleur pote et producteur Roodie m’appelle et m’annonce la nouvelle. Forcément j’étais mal mais on est vite reparti de l’avant. On est allés sur les lieux pour constater les dégâts et j’ai demandé à Roodie de regarder ce qu’il restait en termes de morceaux dans ses fichiers. On a retrouvé des maquettes, le seul truc qu’on a pu sauver, ça nous a alors inspiré le titre du projet MP3 + WAV. Ensuite on est retournés à la source, dans le petit home studio de la chambre de Roodie. On a directement enregistré des interludes pour le projet mais au final on a seulement gardé l’Outro. Cette dernière est vraiment sincère, on l’a enregistré dans l’énergie de la journée.
Mon équipe était vraiment anéantie ce jour là mais on a rapidement rebondie sur ce projet. On voulait le sortir au mois d’août à l’origine, mais on a préféré attendre la fin de l’été. A la rentrée, on a tourné les 8 vidéos « lyrics » qui accompagnent le projet. Je revenais alors de vacances et le fait de repartir de zéro m’a motivé. Je me sens maintenant beaucoup plus détendu, beaucoup plus fort. Ce projet doit être vu comme une mise en bouche, c’est un vrai travail qu’on ne voulait pas jeter.
Ton nouveau projet comporte des vidéos “lyrics” disponible sur Youtube avec une esthétique verte. Quelle est la symbolique de cette couleur ?
Il n’y a pas vraiment de symbole dans ce choix. C’est tout simplement parce que j’avais les cheveux verts à cette période. Mon réalisateur a donc pensé une esthétique autour de cette couleur. Pour la cover, j’ai aussi voulu mettre en avant cela mais sans présenter ma tête. Souvent les labels incitent les artistes à montrer leur visage sur les couvertures de projet car cela fait mieux vendre. Nous à l’inverse, on a mis en avant le côté artistique, on ne pense pas aux ventes. Je vois ce projet comme un Untitled de Kendrick Lamar en fin de compte.
Parlons de tes clips, qui sont complètement fous avec des propositions très diversifiés. Celui qui m’a marqué c’est “à moitié loup”, peux- tu nous parler de la mise en place de ce tournage ?
C’est un gros travail de Lokmane, mon réalisateur. Je lui parlais de mon univers tournant autour de l’ambivalence entre l’homme et le loup, et il a tout mis en place. A cette période, il travaillait avec une importante boîte de production internationale qui a notamment produit pour Travis Scott. Cela nous as permis d’avoir un certain budget pour la création de ce clip. Pour l’instant c’est ma pièce maitresse en termes de réalisation.
Ce qui m’a frappé chez toi, c’est ton souci du détail avec une quantité de flows très variés et des voix changeant souvent de timbre. C’est quoi ton secret pour travailler ton auto-tune ?
C’est hyper instinctif. J’utilisais l’auto-tune en mode real time auparavant, c’est à dire que je gardais toutes les fausses notes et les impuretés de voix. A l’image de Booba et son album 0.9, j’aimais avoir une auto-tune qui ne soit pas toute lisse. J’aime créer des dissonances et développer l’oreille de l’auditeur. Maintenant j’essaye aussi de faire du son plus brut, je rap et je chante sans trop modifier ma voix.
Récemment j’ai fait mes premiers morceaux en « melodyne », c’est à dire que mon auto-tune est plus ajusté. La note est donc technique et net, cela apporte une dimension beaucoup plus populaire à ma musique. On bosse beaucoup sur un son plus lisse contrairement à avant.
Tu travailles beaucoup en équipe dont fait partie le producteur Roodie qui a produit la majorité de ton dernier projet. Quelles relations entretiens-tu avec ton entourage musical ?
Mon équipe fait 50% du travail c’est donc normal de les mentionner souvent. On travaille à la mode américaine, c’est à dire en mode co-composition. On avance donc beaucoup plus vite et tout le monde s’entend au sein du studio. Sean c’est moi, mais c’est aussi une équipe.
Tu commences à avoir un certain buzz autour de toi, comment perçois-tu cette reconnaissance du public ?
C’est arrivé assez vite, surtout quand j’ai sorti A moitié loup. Mais ce n’est que le début. On arrive maintenant à un stade où notre musique nous ressemble vraiment. Mes plusieurs années de travail m’ont permis d’expérimenter différentes choses mais je suis actuellement prêt à aller tout droit. Je sais avec qui je veux bosser et je sais ce que cela va rendre.
Au travers de ta carrière, tu parles souvent de tes problèmes amicaux notamment dans “première nuit” sur ton dernier projet. Tu t’es souvent sentie trahi au cours de ta vie ?
Je pense que tout humain s’est senti trahi un jour. C’est un thème universel que j’essaye d’aborder de façons différentes. En grandissant beaucoup de personnes m’ont déçu mais c’est normal, tout le monde prend son chemin. Bien sûr il y a des personnes qui changent quand elles réalisent que je suis devenu rappeur. Mais cela reste un sujet assez commun, que l’on affronte au cours de sa vie.
« Le bon, la brute et le truand » est un morceau étonnant par son thème, notamment sur le deuxième couplet qui explique ton point de vue sur les différentes personnalités. Tu te situerais dans quelle mentalité entre ces trois types d’humains ?
C’est un peu des trois. Ce morceau est surtout un tableau des gens que tu peux croiser dans la rue en fin de compte. La brute c’est pour moi l’homme qui a quelque chose à prouver, c’est le petit, svelte et bagarreur. Le truand c’est celui en a beaucoup sur le cœur mais qui n’extériorise aucune de ses pensées. Le bon c’est l’homme qui crée le bien, tout simplement. Je trouvais donc intéressant de stéréotyper ces trois personnages dans ce morceau, car ils représentent en fin de compte des caractères que l’on rencontre souvent.
Chaque projet que tu as sorti depuis 2019 est construit autour d’un concept. C’est important pour toi d’accompagner tes albums d’une histoire ?
De fou. A chaque fois on fait cela naturellement en fin de compte. Pour Mercutio par exemple, c’est allé super vite. On était mineur à cette époque, j’avais tous les concepts dans mes fichiers et on a lancé la machine. C’est sûr que mon prochain projet sera accompagné d’un concept. Je suis cependant dans une dynamique où j’essaye de ne pas me prendre la tête. Je travaille actuellement sur une série de singles mais mes anciens concepts m’apportent de l’expérience que j’utilise à bon escient. Je pense que le public va me découvrir sous un nouvel aspect prochainement avec cela.
Ta richesse c’est de cultiver différents genres musicaux au travers de tes morceaux. Penses-tu trouver un genre type à ta musique un jour ou comptes-tu expérimenter encore dans les prochaines années ?
On va continuer à expérimenter mais je pense qu’il faut qu’on trouve notre patte artistique propre. Quand tu écoutes du Drake, que ça soit de la dance-hall ou du rap, tu sais que c’est lui au micro. Pour que les gens te visualisent il faut donc trouver cet équilibre. Le truc, c’est d’être reconnu tout en proposant de nouvelles sonorités. Bad Bunny aussi récemment propose de nouvelles musicalités, tout en étant reconnaissable.
Tu valides le reggaeton et les autres styles de rap international ?
Ouais carrément. En réalité j’ai fait beaucoup de morceaux dans cette ambiance là mais je n’en ai pas beaucoup sorti. Mon rêve actuellement est d’ouvrir le rap français au rap européen. Je travaille beaucoup sur ma musique pour pouvoir me connecter avec des artistes espagnols, italiens et américains. Je pense qu’on est en retard en France car on ne s’ouvre pas à de nouvelles sonorités malgré le fait que notre musique est très populaire. J’ai envie de pousser la musique encore plus loin pour proposer un nouveau son. On est donc dans le créneau de l’internationalisation.
Tu me fais penser à un certain Sfera Ebbasta dans ton esthétique…
T’as tout capté. Le côté TrapStar de ces artistes est quelque chose que je veux proposer. On peut voir par cela une apologie du capitaliste mais j’y vois plus une façon de faire rêver les gens. C’est développer l’imagination du public qui me passionne. J’écoute du rap de tous les pays, de la Hollande à la Turquie. Et je pense que c’est cela qui va faire avancer notre musique au plus haut, l’ouverture au monde.
Depuis 2019, tu t’es montré très productif en termes de sorties. Ce sera le cas en 2021 ? Y a t-il des featurings en préparation ?
Cette année je vais me concentrer sur une série de singles. Pour les featurings, je compte en sortir et pas exclusivement avec des français…
Malo. H
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