Le Hip Hop est un mouvement en perpétuelle évolution. Dans les années 90 nous avons eu par exemple le G-Funk. Début 2000, le crunk en provenance d’ATL, qui scouatait les ondes. Courant 2015, plus ou moins en même temps que la Drill, est apparue l’Emo Rap. Mais si ce mouvement est devenu récemment célèbre, Joe Budden, et d’autres, posèrent ses fondations début 2000.
L’Emo Rap c’est quoi ?
Inspirés par des personnalités comme Kurt Cobain, plusieurs nouveaux rappeurs lancent ce qu’on appelle l’Emo Rap (Ou SoundCloud Rap). Portée par Lil Peep, Trippie Redd ou encore Juice Wrld, cette tendance est une variante du rap, mais un peu plus chantée et accompagnée de samples de rock ou de pop. Tandis que le rap « standard » fait l’éloge de la rue et de l’argent sur fond d’égo trip, l’emo rap, lui, est beaucoup plus personnel. Nous faisons face à des personnages torturés et névrosés. Les textes tournant régulièrement autour de ruptures sentimentales, de drogues dures, d’abandons voir de suicides. Torturé et ancien addict à différentes drogues, Joe Budden se place comme l’un des précurseurs de ce nouveau genre. Sans le savoir, il allait inspirer cette nouvelle génération d’émo-rappeurs.
A la recherche du succès
Joe Budden nait à New York mais il grandira dans le New Jersey. Le nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, pourtant, c’est lui qui est derrière le morceau Pump It Up, produit par Just Blaze. Titre qui finira sur beaucoup de soundtracks, 2Fast 2Furious et Street Dancer entre autres. A première vue, rien de très rock ou émo là-dedans. Très clairement, ce premier album éponyme sorti en 2003 sous Def Jam, est un album façonné par son label. Projet assez impersonnel, malgré la présence de titre comme Walk With Me qui met en avant ses doutes et sa paranoïa vis-à-vis de son nouveau statut, ou encore Calm Down où il évoque ses problèmes relationnels avec sa mère et ses addictions. Le point d’orgue arrive avec le morceau 10 Mins. Joey propose un morceau très introspectif où il rappe sur une dizaine de minutes non-stop. Performance assez rare à l’époque.
Are you in the mood yet ?
Def Jam, ne voyant en lui qu’un simple One Hit Wonder, laissera Joe et son deuxième album, The Growth, dépérir jusqu’en 2007, année où il sera enfin libéré de son contrat. Durant ce hiatus de 4 ans, c’est d’abord le pire qui attend Joey. Il tombera dans une grave dépression. Il arrivera tout de même à maintenir sa fan base en vie en sortant deux mixtapes : « Mood Muzik : The Worst of Joe Budden » fin 2003 et « Mood Muzik 2 : Can it Get Any Worse ? » fin 2005. C’est sur cette dernière que Joey commence à se fabriquer et à trouver son style. On le retrouve déterminé, à rapper comme un mort de faim sur chaque morceau. Oscillant entre l’introspectif et le storytelling (Three Sides to a Story), Joe puise son inspiration dans le rock des années 70/80. Quelques exemples avec le titre Stained reprenant Outside du groupe Staind, ou encore l’excellent 40 Licks aux sonorités rock des 70’s.
Back dans les bacs
Afin d’exorciser ses démons, Budden va devenir un boulimique de travail. En 2007 sort Mood Muzik 3, et annonce son retour d’entre les morts sur le morceau Hiatus. Deux ans après Stained sur MM2 qui annonçait clairement le déclin de sa santé. On sent Joe revanchard sur la vie. Après avoir traversé l’enfer, il est prêt à renaître. Joey s’affirme de plus en plus et nous dévoile son univers petit à petit. Un mélange de rap et de rock comme sur Un4given, reprenant le titre du même nom de Metallica. Il peaufine sa technique sur le génial Secrets, un storytelling ravageur sur un triangle amoureux sur fond de MST. Joey rappera également sur le Cry Little Sister de Gerard McMann, soundtrack de Lost Boys (1997) de Joel Schumacher sur Thou Shall Not Fall. Et finalement, se met complètement à nu sur All of Me. Cette mixtape posera les bases de la trilogie à venir : Halfway House, Padded Room et Escape Route.
Le pire de Joe Budden
Afin de vous aider à cerner le personnage, la Halfway House est une maison de transition qui accueille les toxicomanes et les personnes fragiles mentalement et physiquement. La Padded Room est une chambre d’isolement capitonnée qu’on retrouve dans certains établissements médicaux. Cette trilogie représente le parcours du combattant qu’ont été ces cinq années de galères chez Def Jam ainsi que les problèmes de santé qu’il en a découlé. On y suit la longue descente aux enfers de Joey jusqu’à plonger dans sa folie avant de s’évader dans la nature. Halfway House, sorti en 2008, montre Joe en totale perdition. Entre amnésie et bipolarité, le rappeur de Jersey reprend Lost de Coldplay sur son titre Sidetracked. On le retrouve, accompagné des guitares d’Alice Cooper sur Go To Hell et sur l’énervé On My Grind. Ce dernier titre reprenant un sample du groupe Styx, Suite Madame Blue. Coup de cœur personnel sur Under The Sun et Just To Be Different samplant respectivement My Brother Under The Sun de Bryan Adams et Burning Bright des Shinedown (2004).
Est-ce que ça peut être pire ?
Avec Padded Room (2009), Joe s’abandonne définitivement dans la folie. Entre déchéance mentale sur In My Sleep ou conversation avec Dieu sur Pray For Me, cet opus est finalement l’un des plus sombre de sa carrière. Malgré tout, la recette reste la même, comme sur Don’t Make Me, usant d’un sample de Cry des 3 Speed. L’histoire ne retiendra pas les tentatives de singles foireuses qu’ont été Touch & Go sur Halfway House et The Future avec The Game sur Padded Room.
Quelques mois plus tard, Joe achève sa trilogie avec Escape Route. Le rappeur semble cette fois ci résigné et accepte son état. Tandis qu’il exprime son dégoût pour l’être humain sur Anti, il se permet même de reprendre la BO du film Requiem For a Dream sur l’intro. Les inspirations rock sont toujours aussi présente avec un sample du Street Spirit des Radiohead sur Never Again. Enfin la perle reste le State of You magistralement transformé par J. Cardim et qui utilise le titre Psychobabble de Frou Frou.
Un dernier tour ?
Afin de clôturer ce chapitre, Joe sortira en 2010 le quatrième et dernier volet de sa série Mood Muzik. Sous-titré A Turn For The Worst, on y sent un Joey plus libéré. Certes l’inspiration Hard Rock est toujours présente avec les titres Inseparable ou 1000 Faces, qui reprend Thousand Faces du groupe de rock Creed. C’est finalement avec l’esprit plus sage et apaisé qu’il rappe. On finit même sur une touche positive avec Stuck In The Moment. Morceau produit par Just Blaze, à l’origine de son premier hit en 2003. Sur la mixtape téléchargeable sur le net, Joe sort également le titre Inception, samplant la sountrack du même film. Chanson qui ne fera pas le cut final sur la version album de cette mixtape pour soucis de sample justement. On serait curieux de savoir combien coûte les droits d’auteur des samples de Hans Zimmer d’ailleurs…
Pionnier des pionniers
Aux antipodes du rap de l’époque, Joe Budden est un des rares acteurs du game à se mettre autant à nu devant ses auditeurs. Loin du rap auto-tuné de Lil Wayne et de la grosse vague Dirty South des années 2010, ses déboires personnels auront marqués beaucoup d’auditeurs. Si l’inspiration pour Trippie Redd ou XXXTENTACION est certainement venu d’ailleurs, Joe fait partie de ces pionniers à avoir défricher le terrain de l’emo rap. Non il n’est pas le seul à avoir utilisé ce créneau. Eminem ou plus récemment Kid Cudi se sont très largement inspirés de cette ambiance Dark. Mais rendons à César ce qui appartient à César. Joey est celui qui s’est le plus inspiré de cette branche avec l’utilisation de samples rock des années 70 et 80, et le plus souvent à bon escient. Du fait de son abnégation et sa force de vivre, Joe Budden est finalement un homme guérit. Et si la santé va mieux, son cœur, lui, a longtemps été piétiné.
Ordinary Love Shit, une histoire d’amour par Joe Budden… Coming Soon.
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