Ces dernières années, les albums posthumes ont proliféré dans l’industrie musicale, en particulier dans le rap. Des artistes tels que Lil Peep, XXXTentacion, Juice WRLD, Mac Miller, et bien d’autres, ont vu leur repos éternel interrompu par la sortie de disques après leur mort. Mais pourquoi cette tendance ? 

L’un des exemples les plus probants est celui de Mac Miller. Le prodige du rap américain des années 2010 est décédé en septembre 2018. Il a laissé derrière lui un sixième album enregistré. Un an et demi plus tard, le 17 janvier 2020, “Circles” voit le jour. Cet ultime projet dévoile toute la polyvalence de la palette musicale de Malcolm James McCormick. Bien qu’il s’éloigne singulièrement de son style habituel, l’album reste cohérent dans sa structure et ses sonorités. Mac Miller, connu pour ses projets sombres et conceptuels, livre ici un disque empli de légèreté et de somptueuses ballades. Le constat est unanime : c’est une très grande réussite, un retour du Mac Miller surprenant et exaltant. 

La face cachée des albums posthumes

L’une des pires histoires de ce business lucratif reste celle de XXXTentacion. Le leader de la génération “soundcloud” s’est vu utilisé jusqu’à l’au delà. Jusqu’alors deux albums posthumes sont sortis à ce jour. On l’a même vu apparaître récemment en featuring sur l’album de Kid Cudi “Insano”. Cela sans parler et de la réédition de son album ?, pourtant initialement sorti de son vivant. Tous ces projets post-mortem n’ont fait que dénaturer son œuvre de base. 

Cleopatra Bernard, la mère du défunt rappeur a tout mis en œuvre pour que X soit sa machine à sous. Falling Down est un bon exemple. C’est une collaboration fictive avec Lil Peep qui a été enregistré à l’origine aux côtés d’ILoveMakonnen,  

L’affiche est plus qu’aguicheuse connaissant la popularité des deux rappeurs. D’après des proches de Lil Peep, il aurait juré de son vivant qu’il ne collaborerait jamais avec XXXTentacion. Malgré cela, le titre est sorti sans impunité. Après tout, pourquoi s’embêter à solliciter sa morale quand on sait que Falling Down a engrangé près de 300 000 000 vues, rien que sur Youtube ? 

Ce cas ne fait pas exception à la règle. Le dernier single du défunt rappeur Juice Wrld, « Lace It », en feat avec Eminem et produit par Benny Blanco, est sorti ce 17 décembre dernier. Le morceau offre une vision sombre de Juice Wrld et Eminem sur la vie avec la dépendance. Ils rendent aussi hommage à certains des pionniers de la musique qui ont succombé à la toxicomanie. Il s’exprime sur ce sujet en citant Lil Peep et Juice Wrld « Codone, and lean, is probably what got Lil Peep and ODB », « Tried to kill me, then you murdered Jarad, didn’t you? ». Ce titre est-il fait pour rendre hommage à l’artiste ou pour l’exploiter ? 

Un exemple similaire, celui de Pop Smoke, le prodige de la drill, qu’il y’a quelques années maintenant a vu son deuxième album posthume, “Faith”, sortir. Selon les proches du rappeur, avant sa mort, il n’aurait pas voulu publié l’album comme tel. Les featurings présents sur l’album sont des artistes qu’il n’aurait probablement jamais croisé de son vivant. En clair, cela nous fait poser des questions sur l’éthique qu’à l’industrie musicale en publiant des albums posthumes.

Un profit lucratif malsain 

Cette situation soulève des questions essentielles sur l’intégrité artistique, l’héritage posthume et la responsabilité des proches. Les albums posthumes, bien qu’ils puissent honorer la mémoire des artistes, doivent être abordés avec sensibilité et respect pour leur vision créative originale. 

La frontière entre véritable projet artistique et exploitation commerciale d’ébauches d’album est fine et perméable. Certains albums posthumes sont conçus entièrement avant une tragique disparition, tandis que d’autres sont des compilations de chutes de studio. Les intérêts varient : offrir un ultime adieu aux auditeurs ou entretenir des revenus lucratifs pour les ayants droit. Quoi qu’il en soit, la postérité réserve parfois des surprises. Il arrive que la reconnaissance artistique ne survienne qu’après le dernier souffle de l’artiste. 

Le secret d’un album posthume réussi 

N’est-ce pas là le cœur du mystère des albums posthumes ? Si l’on respecte la vision artistique de bout en bout, tout le monde en sort gagnant. L’auditeur est comblé, ses émotions décuplées par l’authenticité. L’artiste, lui, peut enfin reposer en paix, sa mémoire honorée. Et bien sûr, les retombées financières sont à la hauteur du résultat. 

Bien sûr, dans notre monde où l’argent règne en maître, ces mots risquent d’être perçus comme un discours utopique. Pourtant, ne vaut-il pas la peine d’essayer de changer les mentalités ? Que l’industrie musicale s’en inspire pour l’avenir. Alors, nos artistes préférés pourront enfin trouver une paix définitive. 

Alban N