Trés peu sont les artistes qui traversent les générations, mettant un point d’honneur à s’adapter aux couleurs que prend le rap au fil des années. AP du 113 en fait partie. A l’occasion de la sortie de son projet La Laverie Vol.1, l’artiste nous a accordé un entretien aussi riche que chaleureux.
Tu sors prochainement La laverie vol.1, qu’as tu voulu montrer avec ce projet ?
Mon cv a 20 ans de carrière, mon premier album a 12 ans et cela fait plusieurs années que je fais de la réal pour rim’k donc ce projet est un peu un challenge pour moi. Je suis quelqu’un de discret, je ne parle que de musique sur les réseaux sociaux donc 2 ans d’absence dans une industrie qui t’oublie vite n’est pas anecdotique.
Depuis ton premier album, comment a évolué ton processus créatif ?
Le premier album est sorti en maison de disque contrairement à celui-ci qui sort en totale indépendance. C’est donc une façon différente de travailler. J’ai dû me mettre à jour pour ce projet en commençant l’auto-tune et en testant des morceaux “chantonnés”. A la base je voulais prendre la température de ma fanbase en envoyant des singles tous les mois puis je me suis concentré sur la création du projet. J’avais vraiment envie de reprendre le kickage et de m’exercer au rap actuel.
Est-ce que ce sont les prods qui t’inspirent ?
En général ça dépend, je suis très pointilleux au niveau des choix des musiques. Pour ce projet j’ai beaucoup travaillé chez moi tandis que j’allais au studio une fois par semaine. J’ai beaucoup écrit quelque soit le situations.
Comment t’es-tu adapté au rap actuel ?
Le rap c’est comme la mode, ça change tout le temps. Depuis mon premier album avec 113, il y a eu beaucoup de nouveaux mouvements et c’est plutôt difficile de s’y adapter. Tu peux aimer un vêtement sur quelqu’un qui ne t’irait pas forcément et bien c’est pareil avec la musique. Le plus important c’est d’évoluer avec son temps.
Pour revenir dans le passé, quelle expérience as-tu eu lorsque tu as enregistré tes premiers morceaux en solo à l’écart de ton groupe ?
Au début ce n’était pas compliqué mais au fur à mesure te retrouver seul dans une cabine d’enregistrement t’amène bien plus de difficultés. C’est un nouveau challenge car tu dois trouver ta propre couleur musicale et ta propre identité. Mais je pense qu’une longue carrière en groupe pousse forcément à partir en solo à un certain moment.
Tu étais présent dans le clip de « Pour Ceux » de la mafia k Fry qui fut une révolution dans le visuel du rap français. Que représente cela pour toi ?
C’est déjà un plaisir car ce morceau est véritablement un classique. Ce genre d’images spontanées et naturelles n’avait jamais été encore réalisé. Depuis ce morceau, le rap français n’a plus jamais été le même.
Quel a été ton premier contact avec la musique ?
Le Zouk, chez moi. C’était principalement ma famille qui écoutait ce genre de musique mais j’avais aussi des oncles et tantes qui écoutaient du funk.
Et ton premier contact en tant que rappeur ?
C’était il y a super longtemps. La première fois qu’on a pu m’entendre c’était sur un vinyle. Je ne sais plus sur quoi. Peut-être sur un EP de Idéal J ou sur un EP de 113.
Quelles ont été tes premières influences dans le rap ?
J’écoutais les piliers du rap français. Je te parle de IAM, NTM, Ministère A.M.E.R et Lionel D. J’ai également écouté beaucoup de rap américain comme LL Cool J, Run DMC et NWA.
J’aimerais qu’on parle de chaque collaboration présente sur ton projet, commençons par Alonzo…
Je respecte beaucoup Alonzo qui comme moi a débuté dans un groupe mythique. Il y a toujours une complicité avec Marseille. J’ai beaucoup écouté des groupes comme 3e œil, la FF et bien sûr IAM. Je respecte également la nouvelle génération comme Sch et Naps. La connexion entre le 94 et le 13 a toujours existé.
Pour revenir à cette collaboration j’avais déjà enregistré mon refrain et mon couplet et j’ai pensé à Alonzo pour m’accompagner. C’est quelqu’un que je connais donc je l’ai appelé et cela s’est fait assez rapidement.
Dadah ?
C’est un jeune rappeur que je produis, il est sous la structure de la laverie. C’est un ami à moi qui m’a présenté son travail et j’ai tout de suite adhéré.
13 block ?
Ce sont des gars que j’ai connu lors de soirées. Le feeling est passé très vite et j’avais aussi besoin de challenge. C’est un groupe qui a un univers particulier donc j’ai dû m’adapter et ce n’était pas facile. C’était une journée de studio incroyable, Stavo à lâcher des phases de fou. Ce sont des gars réels et ils ont une plume de malade.
Est-ce que tu penses qu’il manque des vraies plumes dans le rap aujourd’hui ?
Il y en a mais ils ne sont peut-être pas assez mis en avant. Tu vois des mecs comme Dadah sur mon projet qui sont capables d’exprimer des choses incroyables. Il leur manque juste l’exposition.
Ta collaboration avec DA Uzi ?
Je ne suis pas un mec qui suit les tendances YouTube, je regarde plutôt ce qu’il se passe derrière. J’ai vu arriver ce mec et si je serais D.A dans une grosse maison de disque je l’aurai signé très rapidement. Je connais beaucoup de gens dans la musique en France qui me font écouter de nombreux rappeurs. Celui-là m’a particulièrement touché. Il a une façon de dire les choses à sa manière, il dégage une certaine mélancolie. On s’est connecté sur les réseaux sociaux et la connexion s’est faite directement.
Comment vois-tu le fait de croiser le fer avec la nouvelle génération sur des prods actuelles ?
Je pense que c’est le croisement entre le talent et l’expérience. Il faut néanmoins un feeling lors de l’enregistrement. Il faut une alchimie. Je vois de nombreuses collaborations, belles sur le papier, qui sont finalement inaudibles.
Quel est le morceau de ton projet que tu préfère?
Je pense au morceau « Bourbier ». C’est un titre où je me suis réellement lâché. IL représente vraiment mon personnage.
Pour finir, quelle est ta collaboration de rêve ?
J’en ai plein. Il y a Kassav, un groupe antillais qui se sont malheureusement séparés. Je peux également citer Sade, qui est la musique pure par excellence.
Interview : Youcef Benouada