Niché dans un café parisien nous avons rencontré Loud à l’occasion de la sortie de son troisième album studio nommé Aucune Promesse. Figure du rap québécois, Loud livre un album plus introspectif et s’apprête à entamer une tournée internationale pour le défendre.
Tu as rempli la plus grosse salle du Québec, le Centre Bell, quel recul as-tu sur ce moment important dans ta carrière ?
C’était un énorme accomplissement pour nous, c’est comme si tu faisais Bercy en France mais au Québec. C’est là que j’avais déjà vu des grands artistes jouer lorsque j’étais jeune donc c’était vraiment un rêve qui s’est réalisé. Je suis aussi fier d’avoir été le premier rappeur québécois à se produire dans la salle. On a en plus fait complet deux soirs de suite !
Es-tu satisfait de ton image en France ?
Certainement mais il y a encore beaucoup de travail à faire. Le plafond est ici extrêmement haut, les opportunités sont infinies. Je pense donc qu’il y a énormément de potentiel à tirer dans l’hexagone. Peut-être que mon nom sort en premier quand t’on parle du Québec mais je ne suis rien encore face aux grosses têtes d’affiches françaises.
Quels rappeurs du Québec sont à suivre en ce moment selon toi ?
Il y a Enima, bien qu’il soit déjà bien implanté. Il y a aussi White-B qui peut bien marcher en France. Je peux aussi te citer Rowjay qui est très connecté avec les rappeurs français. Ces trois sont pour moi ceux qui peuvent le mieux marcher dans ton pays.
Comment as-tu géré ta forte exposition lors de la sortie de ton premier album ?
Je ne peux pas dire que j’ai été dépassé par les événements mais tout cela est arrivé vite c’est sûr. Quand je suis passé sur des chaînes comme France 5 ou dans l’émission Quotidien j’ai mesuré l’ampleur de mon album et cela m’a un peu dérouté mais aussi fait très plaisir. Il y avait un buzz autour de moi car j’étais une forme de nouveauté en France, l’un des premiers rappeurs québécois à marcher dans l’hexagone. Aujourd’hui on revient trois ans après pour essayer de le reconquérir.
Quelles sont les raisons d’une si longue attente entre Tout ça pour ça et Aucune promesse ?
La pandémie m’a un peu ralenti. Déjà parce que je ne pouvais plus me produire sur scène mais surtout car je n’arrivais plus trop à écrire. Au début je pensais que ce serait une période parfaite pour travailler mais finalement ça m’a freiné dans mon inspiration. Après que les choses se soient améliorées, j’ai eu un déclic et j’ai commencé l’écriture de ce projet. Être trop isolé m’a complètement démotivé par rapport à la musique. Les gens avait-il aussi l’envie d’écouter du rap pendant la pandémie ? Je ne pense pas car la plupart des albums sortis pendant cette période ont eu du mal à fonctionner. Le moral n’était pas à la musique.
Quels rappeurs t’ont influencés récemment ? Personnellement j’ai trouvé qu’il y avait une touche J Cole dans ton album.
J’ai beaucoup apprécié le dernier J Cole, Almost Dry de Pusha T et le dernier album de Vince Staples également. Je trouve que Cole est un rappeur qui s’améliore encore plus avec le temps. Je respecte sa carrière car ce n’est pas facile de s’accomplir avec une aussi forte exposition lorsqu’on perce jeune comme lui. Il a pris un créneau mature sans tomber dans la lourdeur et il sait toujours raconter des histoires intéressantes.
Ta position est atypique car tu es autant influencé par les Etats-Unis et le Canada que la France.
J’imagine oui. Géographiquement et culturellement ont est entre les deux cultures donc c’est logique que notre musique porte autant sur les états-unis que sur la France. La culture américaine est plus naturelle au Québec, on s’inspire plus facilement de ce qui se fait à New York par exemple. Grandir bilingue crée aussi des automatismes par rapport à cette culture. Des mecs comme Mike Shabb ou Rowjay symbolisent bien cela.
Le projet semble aussi moins axé sur de la pop. Est-ce qu’il y a eu une lassitude par rapport à cela ?
J’ai moins fait l’effort de parler à tout le monde, c’est vrai. Ce n’est pas une direction unique mais le climat qu’il y avait lorsque j’écrivais l’album m’a poussé à une musique plus introspective, nostalgique. Je n’essaye jamais de m’enfermer dans un style, je pense que j’avais besoin de revenir à quelque chose de plus “rap”.
Quelle place prennent Lary et Ajust dans ta carrière actuellement ? (Loud Lary Ajust est le groupe de Loud composé avec Lary et Ajust)
Ajust à produit presque l’entièreté du projet comme les précédents. Lary n’est pas sur le projet mais cela tire du hasard. Durant la confection de mon album on bossait en effet sur son projet en parallèle et je pense qu’on a tout simplement pas trouvé le temps de faire un morceau ensemble.
Est-ce qu’un autre projet du groupe est possible ?
Peut-être, on laisse toujours cette possibilité. Le groupe ne s’est jamais séparé, on a continué de bosser ensemble malgré mes albums solo et on a même fait un show à Montréal pour célébrer les 10 ans du groupe.
Dans le titre “Coin à l’ombre”, tu parles de cette envie de couper avec le monde lié avec la célébrité. C’est un thème qui caractérise beaucoup ta musique je trouve.
Ce sont toujours des réflexions qui m’ont habité dans ma musique, depuis les premiers projets. Ce concept d’exil me fascine, surtout quand je suis très exposé lors des sorties d’albums. Bon je ne suis pas en train de t’annoncer mon exil sur une île déserte (rires) mais on ne sait jamais. Après ce sont les aléas de notre métier, je ne suis pas à plaindre. J’essaye tout de même de garder une vie privée, c’est très important pour rester focus.
Tu reviens en France après trois années. Qu’est ce que cela représente pour toi ?
J’ai hâte de retrouver la scène française car cela fait trois ans que l’on ne s’est pas produit ici. Il est vraiment temps que je communie à nouveau avec le public. Je suis aussi content de revenir ici car cela m’inspire beaucoup et me fait voir plus loin que le Québec.