J’ai discuté avec Petros de son parcours de réalisateur, pour comprendre davantage les enjeux de ce métier passionnant. Dans cette quête perpétuelle de créativité dans le milieu de la musique, ce réalisateur grec talentueux a émergé, captivant l’attention de la scène musicale avec son esthétique visuelle distinctive. Son univers crée une rencontre entre la musique et l’art cinématographique, où les émotions sont exprimées à travers des images vibrantes et où chaque clip devient une pièce maîtresse de l’histoire d’un artiste.
La rencontre avec la vidéo
J’ai grandi à Athènes et j’ai commencé à dessiner très tôt, après ça je me suis mis au graffiti. Je voulais enregistrer quand je peignais, donc j’ai acheté une GoPro et en essayant d’apprendre à faire du montage, j’ai appris comment fonctionnait la vidéo. À 15 ans, j’ai acheté un reflex numérique et, de fil en aiguille, j’ai commencé à prendre de plus de photos.
Les débuts du métier
J’ai rencontré de très bonnes personnes qui m’ont beaucoup aidé. À 17 ans, j’ai commencé à travailler comme photographe dans une boîte de nuit. J’ai également réalisé un clip vidéo pour un de mes amis. Cet ami m’a dit de commencer à réaliser des clips parce qu’il croyait en moi. Je me suis rendu compte que j’aimais vraiment ça, et au fur et à mesure que j’avançais, j’ai commencé à rencontrer des gens, des collaborateurs, etc.
Au bout d’un moment, je gagnais déjà ma vie et j’ai décidé de partir au Royaume-Uni à l’âge de 20 ans.
De la Grèce au Royaume-Uni
Je voulais déménager parce qu’en Grèce, les universités ne sont pas « très bonnes », c’est plutôt l’aspect théorique qui compte. À certains moments, c’était bien parce que j’ai développé ma culture cinématographique en lisant beaucoup de livres, et ça m’a aidé à comprendre les raisons pour lesquelles je voulais travailler dans ce secteur. Mais ce qui m’a beaucoup aidé, c’est de déménager au Royaume-Uni, parce qu’en tant que Grec, mon esprit a explosé là-bas.
Education familiale à l’art
Dans ma famille, il n’y a pas vraiment « d’artiste », mais il était très important pour mes parents qu’on aille au musée. Ils aimaient l’art, mais en tant que spectateur, et c’est important pour un enfant d’aller au musée tout en essayant de comprendre ce qu’il voit. Mes parents me demandaient « Qu’est ce que tu regardes? Explique moi »
Les aspects positifs et négatifs du travail de réalisateur
L’aspect le plus important et le plus positif c’est que t’es libre de faire tout ce qui te passe par la tête. Je suis très créatif, j’essaie de l’être. Je peux faire ce que je veux quand je veux et je suis toujours entouré de gens qui sont aussi créatifs et aucun d’entre eux ne va juger ce que tu penses. C’est parce que nous ne sommes pas si nombreux, nous nous connaissons, les meilleurs réalisateurs de Grèce sont mes amis. Aucun d’entre nous ne fait la même chose. Chacun a sa propre esthétique.
Le problème, c’est que parfois, ma créativité est vraiment bloquée. La plupart du temps, je vais créer quelque chose directement pour un artiste et parfois, si je n’aime pas trop la chanson, si je ne la ressens pas assez, je ne peux rien écrire de bon.
Etre artiste en Grèce
Ça commence par notre système éducatif et le gouvernement, parce qu’ils ne soutient pas beaucoup les artistes. Par exemple, depuis décembre 2022, un décret gouvernemental a modifié le diplôme de l’école nationale d’art dramatique (baccalauréat +3 ou +5) pour le baisser à l’équivalence du baccaulauréat.
Et en plus, l’école ne nous apprend pas beaucoup de choses sur l’art, donc si vous n’y êtes pas sensible, vous n’aurez pas cette occasion d’en connaître davantage si vous ne cherchez pas par vous-même.
La rémunération
Quand je commençais mes amis et collaborateurs, me disaient toujours que je devais être payé pour ce que je faisais et c’est normal parce que vous travaillez. Beaucoup de gens ont peur de demander de l’argent, mais il faut savoir quel montant demander. Cela vient de l’expérience et de la rencontre de nouvelles personnes, car vous pouvez comprendre combien elles sont payées et vous pouvez comparer.
Relation entre directeur de la photographie et réalisateur
La cinématographie est une question de lumière, de cadrage et d’aspects techniques. En tant que réalisateur, vous devez toujours communiquer votre vision au directeur de la photographie. Vous devez lui montrer des images, il doit savoir exactement ce que vous avez en tête.
Entrer en contact avec l’artiste
Il faut poser quelques questions, mais il n’est pas obligatoire de le connaître. Comme il n’y a pas beaucoup de gens avec qui nous travaillons en Grèce, nous nous connaissons tous.
La commande et le résultat
Cela peut arriver de réaliser une œuvre qui n’est pas de l’exacte façon dont l’artiste l’attendait, mais ce n’est pas grave parce qu’au final j’essaie toujours de livrer quelque chose de bien.
Les vagues de tendances
On s’inspire toujours de quelqu’un, et les réalisateurs du monde entier regardent les réalisateurs américains. Ils essaient donc de s’en inspirer et la plupart du temps, c’est une bonne chose, mais tout dépend du type d’artistes avec lesquels vous allez travailler. Il est très important de savoir avec quel type d’artiste vous allez travailler et quel genre de choses il aime. C’est pourquoi je demande toujours des références à l’artiste, parce que le fait est que vous faites ses choses, vous travaillez pour sa vision. Vous pouvez également travailler sur votre propre vision, mais cela dépend de l’artiste. Votre travail consiste également à « l’aider » à exprimer ce qu’il a en tête.
Super 8 et argentique
La photographie et la cinématographie sur pellicule sont une tendance actuelle, mais certaines personnes ne savent pas pourquoi elles le font, simplement elles aiment le rendu. Ca donne un aspect plus organique et plus réel parce que le film capture exactement ce que vous avez devant vous. Je préfère faire de l’argentique, mais c’est vraiment cher. Ce qui est bien, c’est que les clients, en particulier dans les campagnes commerciales, apprécient vraiment le rendu argentique et veulent donc l’utiliser, ce qui nous donne une opportunité à notre tour de travailler avec, mais ce sera vraiment difficile sans gros budget dans 1 ou 2 ans.
Dans le domaine du cinéma, si l’on considère l’aspect technique, on obtient les meilleurs tons de peau, les meilleures couleurs. Donc si vous voulez photographier quelque chose, cela rendra bien.
Dans le processus de prise de vue analogique, il faut réfléchir à ce que l’on va photographier. Par exemple, si vous voulez prendre un rouleau de 36 photos, il vous en coûtera 15 euros pour acheter la pellicule et 10 euros de plus pour la développer, alors vous devez vraiment réfléchir à ce que vous voulez photographier.
Le clip KENODOKSI/VOULIMIA avec NEGROS TOU MORIA
Quand on écoute, la musique est complètement différente d’une partie à l’autre, donc je voulais que le contraste soit clair entre la partie traditionnelle et la partie d’aujourd’hui c’est pour ça que j’ai utilisé le noir et blanc. Au sujet du format, j’ai choisi le format carré pour Negros Tou Moria parce que je voulais donner l’impression d’un vieux film comme dans les années 60, car à l’époque les téléviseurs étaient carrés. Je voulais que l’ensemble ait un air nostalgique.
Inspirations internationales
J’aime beaucoup les clips russes d »Adil Zhavelov et françaises aussi avec les clips de PNL et les réalisations de Valentin Petit.
Sentiment face à l’abondance de productions visuelles
Je pense que je suis arrivé à un stade de ma carrière où je ne me sens pas affecté. Je sais vraiment quand je travaille et j’essaie de trouver quelque chose de vraiment spécifique à regarder et cela m’inspire. La plupart du temps, ce ne sont pas les clips musicaux qui m’inspirent, mais les séries, ou des vidéos artistiques.
Se démarquer
On ne peut pas inventer quelque chose de nouveau, on peut s’inspirer et le faire sien, j’essaie de combiner des idées et de faire quelque chose que j’aime, mais c’est toujours différent parce qu’on dirige avec son esprit. Par exemple, si je veux faire un plan, tout le monde va le filmer différemment, c’est donc très personnel. Dès que vous avez l’histoire, la direction est différente d’un projet à l’autre et d’un réalisateur à l’autre.
Relation entre artiste et réalisateur
C’est toujours une collaboration entre l’artiste et le réalisateur. Si je travaillais « pour » un artiste, je travaillerais de telle sorte que je n’aurais aucune créativité, mais ce n’est pas ce que je fais. Quand j’étais plus jeune, je faisais ça parce que je ne savais pas quoi communiquer et comment le faire et c’est très important dans ce travail. Avant, l’artiste me demandait de photographier quelque chose de précis et je le faisais. Aujourd’hui, j’échange davantage et j’essaie de trouver la meilleure façon de filmer une scène. J’essaie donc toujours de collaborer avec eux. Si vous les appréciez et leur faites confiance, tout se passera bien. C’est pourquoi j’essaie de travailler avec des personnes avec lesquelles je m’entends bien, parce qu’il m’est plus facile de dire quand je n’aime pas quelque chose, par exemple.
La communication
C’est la partie la plus difficile du travail : bien communiquer ce que l’on a en tête à son équipe. Il faut essayer de leur faire comprendre, mais cela vient de l’expérience et du travail. J’essaie de travailler avec des personnes avec lesquelles j’ai déjà travaillé, afin d’avoir une équipe constante.
Avec la caméra
J’essaie d’obtenir la caméra la plupart du temps, parce que la caméra est toujours essentiel soit pour moi ou pour le directeur de la photographie. Dans un clip vidéo, il faut toujours être rapide, on n’a pas le temps. Vous avez un ou deux jours pour filmer, donc c’est plus simple pour moi de prendre directement la caméra, car je peux faire directement ce que j’ai en tête.
Avenir et cinéma
Avant Romain Gavras réalisait des clips et quand on regarde ses réalisations, on se rend compte qu’il y a de grandes similitudes entre ses films, par exemple, « No Church in the Wild » et le film Athena. A mon sujet, oui, j’aimerais faire des films à l’avenir. Mais d’abord, je veux faire des courts métrages pour comprendre ce que j’ai en tête, pourquoi et comment je veux le faire.