À l’occasion de la sortie de son second EP « Black Water » en juin 2023, nous avons rencontré l’artiste Lagoon Wavey. Originaire de l’Île de Barbade dans l’Océan Atlantique, il nous a fait part de son rapport au R&B, un genre qui n’est pas si populaire là où il vit, la conception et sa représentation de son EP « Black Water », ses espoirs concernant le futur de cette jeune République, etc.
Salut Lagoon, comment tu vas ?
Ça va mec, et toi ?
Je vais bien merci. Quoi de neuf depuis “Run Away To Yesterday”?
Waw!
…
Ces derniers temps, je fais la promo du projet, j’écris de nouveaux morceaux… Je prends toujours tout au sérieux mais là je fais une petite pause car j’ai besoin de récupérer.
“Run Away To Yesterday”, c’était il y a longtemps hein !
Ouais il y a très longtemps même.
On ne connait pas grand-chose de Barbade ici en France, explique-moi ce que c’est d’y grandir.
C’est un petit endroit, tu peux tout y voir dans la même journée. Imagine grandir dans une petite ville où tout le monde se connait, tu peux aller partout en 5 minutes. Évidemment, pour les touristes c’est un petit paradis, c’est magnifique. Barbade c’est beaucoup d’eau, de plage, c’est super pour l’inspiration.
Y vivre pendant 22 ans comme moi, c’est cool. Mais maintenant j’ai envie de vivre, j’ai envie de voir plus de choses, de découvrir. J’ai voyagé ces deux dernières années et c’était super pour écrire de nouvelles chansons.
Comment la musique est-elle venue à toi ?
Je pense vraiment être né en étant prédestiné à faire de la musique. Quand j’étais enfant je chantais beaucoup, dès le moment où j’ai commencé, j’étais sûr de vouloir faire ça, c’est le chemin que je voulais emprunter dans ma vie. J’ai commencé à faire des vagues vers mes 16 ou 17 ans, j’ai dû mettre de côté la musique pendant un certain temps car vivre à Barbade est difficile pour moi, c’est difficile d’y faire de l’argent, de faire de la musique…
C’est bien plus sûr de devenir médecin ou avocat, t’es sûr d’avoir une clientèle, tu vois. Je fais du R&B alors c’est plus compliqué. À Barbade nous avons un genre musical qui s’appelle Soca, il y a la Calypso Music aussi qui est numéro 1 ici. Je voulais faire du R&B et c’est ce que j’ai fait, pendant un moment, mais rien ne se passait. C’est décourageant tu sais quand tu mets tout dans quelque chose et que les gens ne comprennent pas. Mais j’ai commencé à faire des concerts, les gens ont écouté, en ont parlé, et ça commence à prendre alors je suis vraiment content de m’y être tenu.
Ok je vois. Cet EP « Black Water », tu peux me parler de sa conception ?
C’est un projet qui s’est fait sur une très longue période. Le son éponyme « Black Water » date de 2016, c’est un très vieux morceau. Mais il est resté le même, on l’a juste incorporé au projet. On ne pensait pas le sortir, mais avec le temps, en allant en Angleterre, en Allemagne… on a enregistrer de nouvelles choses. C’était genre « pourquoi faire de tout ça des singles et pas juste en faire un EP », tu vois ?
« Junipee » est un morceau important pour toi, pourquoi ?
C’est la première chanson avec du R&B plus traditionnel que je fais. J’aime beaucoup cette chanson, elle m’a aidé à grandir en tant qu’artiste qui peut s’essayer à davantage de styles différents. Je veux juste m’assurer que ma musique se renouvelle toujours. Les paroles comptent beaucoup pour moi, c’est très réel.
Comment est-ce que tu vois ce projet « Black Water » ? Qu’est-ce qu’il signifie pour toi ?
« Black Water », c’est une représentation de ma personne acceptant certaines parties de moi-même qui ne sont pas très belles. Tu sais, dans mon premier EP « The Shore », je ne prenais pas vraiment de risques. Je ne voulais pas que les gens me trouvent grossier ou trop controversé. Je n’avais pas envie qu’ils ne comprennent pas ma musique ou qu’ils n’en profitent pas car elle serait trop bizarre.
« Black Water » était une opportunité pour moi de faire ce que je veux et de façonner cela sous une autre forme. C’est comme ça que je veux paraitre et les gens semblent vraiment apprécier cette musique. Je voulais faire quelque chose qui me ressemble davantage.
Ton premier EP s’appelle « The Shore », celui-ci « Black Water », qu’est-ce qui vient après ça ?
Je ne pense pas continuer pour toujours sur le thème de l’eau. C’est la première chose qui me passe par la tête et j’aime beaucoup ça alors je m’y tiens. Le prochain projet sera un album complet, 10 ou 12 morceaux. Je ne sais pas comment je l’appellerai mais ça sera mon dernier projet autour du thème de l’océan.
Tu sais, il faut faire un vinyle pour « Black Water ».
Ouais, faut que j’organise ça avec mon équipe. J’aimerais réaliser un court métrage d’une dizaine de minutes réunissant les univers de « The Shore » et « Black Water » aussi. Mais « Black Water » aura un vinyle ! Mon seul problème est que je ne veux pas que le prix soit trop élevé pour les gens. Je ne suis pas encore un gros artiste alors je ne vais pas en faire des milliers. Mon objectif est de réduire le coût de production pour que le public ne paie pas cher.
Je sais que t’aimes beaucoup les jeux-vidéos. Tu fais encore des lives sur Twitch ?
Haha ouais j’ai vraiment essayé de m’y mettre à fond mais le problème est que je suis perfectionniste. J’aime avoir un set-up clean, quelque chose d’épuré mais c’est quelque chose qui prend beaucoup de temps. Il faut que j’arrête d’être si dur avec moi-même.
J’ai un bon set-up ici, mais c’est difficile de percer là-dedans car beaucoup de monde s’y met.
Tu pratiques la méditation. En quoi ça t’aides ?
Je suis très dur avec moi-même certaines fois et je suis très stressé donc ça me permet de me recentrer. Ça me permet de ne penser à rien, j’oublie mes problèmes. Je médite beaucoup, ça me permet de rester ancré, d’être paisible et gentil.
D’accord, je vois. Barbade est devenu une république en 2021, quelle vision as-tu du futur de cette nation ?
Notre précédent gouvernement n’était pas terrible. Ils avaient pris de mauvaises décisions, le pays a eu beaucoup de dettes. Le coût de la vie a augmenté car, nous sommes un très petit État, donc le peuple paie encore plus. Je pense que nous devrions offrir à nos agriculteurs davantage de ressources pour que nous n’ayons pas besoin d’importer autant de fruits et légumes.
Nous avons des sols fantastiques ici, j’ai 3 manguiers dans mon jardin, je peux récolter genre 50 mangues par semaines, tu vois. Et je pense que si nous faisions cela partout sur l’île, avec des grandes fermes, à des bons prix, nous mangerions tous nos fruits et légumes d’ici. On a des noix de coco, etc. mais on n’en produit pas. On dépense beaucoup d’argent dans la nourriture au final et ça provient des décisions qui ont été prises pendant tant d’années. Notre nouvelle première ministre ne peut pas arriver et tout régler d’un coup mais elle fait bien les choses donc je suis optimiste.
Ok je comprends, c’est vraiment intéressant. Je te laisse la place pour cette fin d’interview. Tu peux t’exprimer sur ce que tu veux, ce qui est important pour toi.
Ce qui est important pour moi c’est la famille, la musique, devenir quelqu’un de meilleur jour après jour. L’argent ne fais pas tout mais il est important dans ce monde, pour rester heureux alors je travaille dur pour subvenir aux besoins de ma famille. Et ma musique et la chose la plus importante pour moi, j’ai passé tellement d’heures à écrire. Je fais une petite pause en ce moment alors j’ai plus de temps pour aller faire du golf, c’est mon sport préféré.
Je suis vraiment heureux, tu sais je ne suis pas une superstar mais je reçois beaucoup de messages et d’amour venant de partout dans le monde et j’apprécie vraiment cela. Il est bientôt temps pour moi de vraiment me lancer, de commencer à voyager et à faire des tournées. Ce qui est important aujourd’hui pour moi c’est de continuer à faire mon truc pour m’assurer que le moment venu, je serai prêt.
Merci beaucoup Lagoon pour cette interview. C’était ton anniversaire le 7 juillet alors je te le souhaite, avec un petit peu de retard !
Merci à toi, c’était une super interview. La première question était juste fantastique, j’ai adoré !