Le rap français a toujours été marqué par les influences des quartiers puis forcémement par la culture maghrébine. Si certains ont du mal a se familiariser avec leurs origines en tant que descendant d’immigrés, le rap en est le coeur et la culture maghrébine y occupe une place centrale. 

Entre les expressions en verlan, les références à nos pays d’origine et samples de musiques orientales, l’empreinte rebeu est partout. 

Mais au-delà des paroles et des gimmicks, certains artistes ont su pousser cette identité encore plus loin en l’intégrant directement dans le son. Parmi eux, DJ Mehdi a joué un rôle clé, en apportant des sonorités maghrébines au cœur du rap. À travers ses productions, il a donné une vraie couleur à ce mélange entre la France et le Maghreb, influençant toute une génération derrière lui.

DJ Mehdi : L’alchimiste du son, de Paris aux rives du Maghreb

DJ Mehdi, c’est LA passerelle entre les cultures, un alchimiste du son qui a su mélanger rap, électro et drums rebeu comme personne. En grandissant avec ses morceaux, j’ai compris à quel point son héritage dépasse la simple production musicale : il raconte une histoire, celle d’une génération entre la France et l’Afrique du nord, l’histoire des enfants de zmigri comme on les appelles. De Tonton du bled avec 113  à ses expérimentations électro, il a su imposer son identité qui fait encore parler de lui aujourd’hui.

Retour sur l’impact d’un des artiste qui a ouvert la voie en intégrant les sonorités maghrébines dans le rap français.

Dans cette dynamique d’artistes intégrant les influences orientales dans leur musique, DJ Kore se distingue par son projet emblématique, « Raï’N’B Fever ». Lancé en 2004 en collaboration avec Skalpovich, ce projet fusionne les sonorités de Raï et de R&B, créant un pont musical entre ces cultures. Cette initiative a donné naissance à plusieurs compilations à succès, réunissant des artistes de différents horizons et reflétant l’évolution continue de la culture maghrébine au sein de la scène musicale française au fil des générations.

Danyl : Le renouveau du raï dans le rap français

Plus de vingt ans plus tard, cette influence perdure, portée par une nouvelle vague d’artistes qui réinventent ce mélange entre rap et néo-raï. Parmi eux, Danyl se démarque en apportant une touche moderne à cette fusion, explorant des sonorités à la croisée des cultures tout en restant fidèle à ses racines.

Danyl s’inscrit dans cette continuité, tout en apportant une vision nouvelle, jeune et fraiche. Après avoir fait ses preuves en tant que beatmaker et producteur, il s’affirme aujourd’hui comme artiste à part entière. Ce projet marque un tournant : fini l’ombre des prods, il se met au centre de la scène avec une identité beaucoup plus affirmée, entre influences raï, pop et rap

Avec des morceaux comme « Galbi », « Bladi mon amour » ou encore « Tchitchi », il assume pleinement ses racines tout en les modernisant. Les sonorités maghrébines, autrefois rejetés par l’artiste, deviennent chez lui un élément central, mis en avant avec des mélodies assez envoûtantes et des rythmiques inspirées du chaâbi et du raï. Cette nouvelle phase de sa carrière montre une volonté d’élargir son public en dépassant les codes traditionnels du rap pour toucher un spectre plus large, à l’image de Cheb Khaled. 

Ici, Danyl touche particulièrement la jeunesse maghrébine et surtout algérienne avec une référence assez connue dans le jargon algérois : la « Tchitchi », il explore cette notion en l’adaptant à la réalité contemporaine. Les paroles évoquent une soirée festive où l’artiste, entouré de ses amis, adopte une attitude insouciante et décontracté, typique de la jeunesse dorée algéroise. La line phare « Ce soir on fait la tchitchi » reflète cette volonté de profiter du moment présent, en mettant de côté les préoccupations quotidiennes comme il le fait sur scène.

Danyl joue ainsi avec les codes culturels, mêlant des références traditionnelles à des influences modernes, créant un lien entre les générations et les cultures où les jeunes continuent de façonner leur identité en puisant dans leurs racines tout en s’ouvrant aux influences extérieures

Dans cette évolution, Danyl s’inscrit dans une lignée d’artistes qui ne se contentent pas d’ajouter des influences orientales dans leurs morceaux, mais qui en font l’essence même de leur musique. Son travail illustre la manière dont la culture algérienne continue d’évoluer au sein du paysage musical français, portée par une génération qui réinvente sans cesse ses codes. 

De Cheb Mami à Hamza : l’héritage du Raï’N’B célébré à l’Olympia

Le 13 février 2025, DJ Kore a célébré les 20 ans de « Raï’N’B Fever » lors d’un concert à l’Olympia. Cet événement a rassemblé des artistes emblématiques tels que Fianso, Hamza, Lacrim ainsi que des figures légendaires du raï comme Cheb Mami, qui n’avait pas chanté à l’Olympia depuis 2011. Cette soirée a illustré la fusion réussie des genres et des générations surtout au niveau du public essentiellement composés d’enfants d’immigrés venus renoués les liens avec leur culture, confirmant l’impact durable de Raï’N’B Fever sur la scène musicale française notamment avec le nouveau projet inspiré du concert « Rai’n’B Fever : Part 1 » ou l’on retrouve par exemple Danyl qui permet justement de renouer avec ces liens en apportant sa jeunesse et son savoir faire à celui de DJ Kore et DJ Moulay,célèbre Dj algérien.

Parmi les artistes présents à l’évenement, Hamza se distingue par son habileté à intégrer des percussions et des rythmes inspirés de la musique maghrébine dans ses compositions tout en faisant l’avis unanime de son public pourtant bien diversifié. Notamment avec son morceau « Juste une minute » qui reprend des éléments du chef d’oeuvre « Ya Rayah » de Dahmane El Harrachi, démontrant sa capacité à fusionner des sonorités traditionnelles avec des touches contemporaines de la même façon que nous avons eu droit à « Lalla » un hit de cet été 2024 produit par Kore.

Du chaâbi au rap : comment la musique maghrébine inspire la scène francophone actuelle

by @9poweredbylilia

À l’instar d’Hamza, de nombreux artistes intègrent quelques références maghrébines, enrichissant ainsi la scène musicale francophone de drums rebeu.

Parmi eux, Stony Stone, un rappeur algérien qui se distingue par son attachement à la darbouka, un instrument de percussion traditionnel. De son côté, Wassim, un jeune rappeur marocain, se fait doucement remarquer avec ses différents projets notamment avec le titre « Pas le choix » qui représente pleinement son attache au Maroc. Ce morceau est rythmé par des percussions inspirées du chaâbi  témoignant de son héritage culturel. Wassim réussit à marier les influences marocaines notamment les youyou à des sonorités contemporaines, offrant une perspective fraîche et nouvelle au rap francophone. C’est un artiste à suivre de très très près.

by @sosoalaprod

L’intégration des sonorités maghrébines dans le rap français témoigne d’un métissage culturel riche entre la France et le Maghreb. Des pionniers comme DJ Mehdi et Rim’K ont ouvert la voie en fusionnant des éléments traditionnels avec des rythmes urbains, créant ainsi des œuvres emblématiques qui résonnent auprès de multiples générations. Aujourd’hui, des artistes contemporains tels que Danyl, Hamza, Ino Casablanca et Wassim perpétuent cette tradition en réinventant constamment les codes musicaux. Leur travail illustre une scène musicale en perpétuelle évolution, où les influences orientales et occidentales se mêlent pour façonner une identité sonore unique, reflet des échanges culturels entre les deux rives de la Méditerranée.

Par nous, pour nous.

Lilia