Nos bons vieux frères d’outre-manche ont toujours favorisé un hip-hop authentique, différent du rap américain. Si de nombreux rappeurs britanniques contribuent à l’héritage du Grime aujourd’hui, d’autres vont à contre-sens et regardent plutôt au-delà de l’Atlantique. C’est le cas du duo D-Block Europe et de Lancey Foux. Prodige repéré par Skepta, l’artiste possède un univers complet et une polyvalence remarquable. Encore trop peu connu dans nos contrées, il est temps de vous présenter un rappeur au futur prometteur.


Prémices auto-tunés

Né en 1995, Lancey nous vient de Newham. Un quartier difficile de l’Est Londonien qui a vu naître des légendes du Grime comme Ghetts. Découvrant le rap en plein boom de la génération Soundcloud, Lancey est de toute évidence attiré par ce mouvement. Des artistes comme Playboi Carti ou Young Thug sont ainsi ses premiers amours avec le rap US. Tourmenté par cette nouvelle vague, le rappeur s’essaye au kickage en 2015 et prend le coup de foudre final lors de sa première session studio. Également très influencé par Jamiroquai, Lancey cherche dès le départ à démontrer son excentricité.

Il release donc son premier “EP” si l’on peut dire (le projet comporte 14 morceaux) nommé Pink. Assumant lui-même sa faible qualité rédactrice, Lancey mise tout sur les émotions de sa musique. Sa première œuvre se retrouve donc encerclée d’influences Géorgiennes. Pink est avant tout une expérimentation de la part de l’anglais. Il joue avec les mots sur “Bring me Flowers”, s’inspire de DJ Screw sur “Gunsxrosesinterlude” et tend vers la funk avec “6th Jackson”. Il y parle de Lean, Xanax, et évidemment de cash comme tout bon rappeur d’Atlanta. L’ambiance est semblable à un jeu vidéo comme Pokémon avec des mélodies très enfantines et planantes. Lancey est donc à ce stade de sa carrière peu original dans ses conceptions. Il livre cependant un avant-goût de son talent, reste à se détacher de ses influences. 

Fashion et plurivalent

Découvrir Lancey Foux c’est aussi comprendre sa pensée, ses passions. En 2017, dans une vidéo pour le média anglais Nation of Billions, le rappeur expose son identité, bien différente de ses compères grimeurs. Il explique sa fascination pour Prince, sa volonté d’explorer la musique dans sa profondeur, son goût pour l’ouverture d’esprit. C’est tout ce qu’on retrouve dans First Day At Nursery,  3ème projet du rappeur après un EP sorti en 2015 nommé TeenSkum. Cette suite dans la carrière du rappeur est bien plus développée et mature.

Allié au producteur Nyge, Lancey présente son esthétique coloré digne d’une fashion week londonienne. Les projecteurs se braquent sur lui avec “Lights” et la vie de star est nuancée dans “serving”. Niveau prod, Lancey va moins dans tous les sens et se base sur un son aérien, très électronique et kitch. C’est le côté fashion qui ressort ainsi de cette expérience. Une passion pour Lancey qui finira par payer en devenant égérie pour Air Jordan en 2018 et pour Givenchy en 2020.  

La bonne pioche

Skepta a pris une dimension considérable en 2018 avec “Praise the Lords” , le hit planétaire de A$AP Rocky. Sa visibilité est alors accru, menant la star du Grime à préparer son prochain album sous un accent américain. Ignorance is Bliss sort donc avec une attente importante, la faute au monumentale Konichiwa. Skepta s’entoure de nouvelles têtes pour réussir le coup dont notre Lancey Foux. Le répérant en 2018, il collabore directement avec lui sur “Died 2wyce”, single annonçant Pink II. C’est une chance que saisit Lancey, se rendant compte de la qualité de Mécène de Skepta qui a déjà mis en avant Aj Tracey auparavant. Lancey n’est pas choisi au hasard, son influence américain arrive à un stade génialissime en 2018 avec Pink II.

La suite de sa sa première œuvre y complète tous les défauts. Une cover très étrange nous convie ainsi vers ce projet avec un mix de couleurs et des  yeux intrigants. Le flow est aérien, l’univers de Lancey est intense. Il nous emmène en effet vers des sonorités spatiales accompagnées d’auto-tunes, qui tendent parfois à nous détendre autant qu’à nous défouler. On se sent dans une bulle ou Lancey nous raconte son quotidien d’égérie de drogué à mi-temps. Il cite ses exemples sur Cudi Walk et collabore même avec Lil Gnar, jeune rookie d’Atlanta. L’année 2018 est donc une étape cruciale dans la carrière de Lancey qui définit enfin son style de manière concrète. Il enfoncera le clou en livrant son potentiel meilleur couplet sur “Animal Instinct” sur Ignorance is Bliss. 

L’instinct de popstar

Ses premiers instants de gloire vécus, Lancey se penche sur son premier album studio. Sortie en 2019, Friend or Foux est un projet où rien n’a vraiment de sens. Ce sont les multiples personnalités de Lancey qui sont présentées à travers plusieurs flows différents. Le Britannique est agressif sur “Elon Musk” tout autant qu’il prône le pacifisme sur “India”. Il est tourmenté sur les morceaux “Psykeman” et “Psykenight”, parle de ses rêves atteints sur “Dream” et se montre engagé sur “Raining Red” contre la guerre ravageant le Soudan. On ne sait plus où donner de la tête dans Friend or Foux tant les sujets sont variés. L’album comptant 20 titres en devient parfois épuisant.

Lancey semble avec ce projet vouloir expérimenter d’autres styles, il veut s’affranchir de son étiquette de rappeur et être un artiste à part entière. Sur “Slow Burn”, on assiste à un défilé de sonorités psychédéliques sur fond de guitare. Lancey joue avec tout, il mélange des samples de soul avec des plugin trap sur “Dead & Gone”, prend des voix d’ogres sur “Dream” et sample même de l’accordéon sur “When I Call”. Bien que chaque tracks soit différente dans leur conception ,elles suivent toutes un fil conducteur mené par des sonorités planantes. Un instinct de véritable créateur se développe donc autour de ce disque. 

Aujourd’hui encore en fondation, la carrière de Lancey est à suivre de près. L’artiste est versatile, romantique voir déjanté. Sa complexité et sa volonté de rejoindre ses idoles telles que Prince et Jamiroquai semblent petit à petit développer la star qui sommeille en lui. Tout en gardant son identité britannique, l’artiste a les cartes en mains pour retourner des concerts sur tout le continent américain.