C’est après 10 ans de carrière, 6 albums et 5 mixtapes que se retire finalement l’un des meilleurs techniciens de la décennie. J’ai nommé Logic. Arrivée à une période charnière dans sa vie personnelle, le rappeur a pris sa retraite en sortant un dernier album nommé symboliquement No Pressure. Un retour au source est de mise avec No ID à la production et Thalia à la voix narrative. La belle équipe de Under Pressure, premier album de Logic, s’est livrée dans un projet complet, bourré de phases lyricale fantastiques.
Plus d’un mois après la sortie du projet, mon recul est pris et tout semble m’indiquer que No Pressure est excellent. Un album touchant signant le début d’un repos bien mérité pour le natif de Maryland. Analyse.
La nostalgie d’un béni
Logic vient de loin, de très loin même. Condamné à l’échec scolaire, soumis à une mère accro au crack et loin de ses frères emprisonnés, l’artiste n’a jamais abandonné et s’est construit une vie digne d’une bénédiction. C’est ce que le rappeur relate principalement au travers de No Pressure. La première partie de l’album prend part dans une nostalgie émouvante. Logic se remémore ses difficultés d’adolescent à travers « GP4« .
« I remember when a nigga had to ask for money, It’s been a long time since I,had to do that shit »
GP4 Logic
L’artiste décrit les lieux qui l’ont marqué dans “man i is”. Il fait un clin d’oeil à ses vagabondages avec le morceau “Open Mic” et rend hommage à son deuxième album studio The incredible true story dans “Aquarius III”. Vient également le titre “celebration” ou l’on sent le bonheur d’un homme célébrant son succès en oubliant son passé douloureux :
“it’s a celebration, bitches, Came a long way from us stops and washing dishes”
celebration Logic
L’interprète prépare son futur et donne un excellent morceau intitulé “DadBod” où il explique son renoncement à la musique. Il y parle avec franchise de sa nouvelle vie symbolisée par des allers retours entre le studio et la crèche. Un train de vie incohérent pour lui. Malgré son départ, Logic n’oublie pas sa communauté et lui dédie un morceau “Amen”, pour la remercier de sa fidèlité :
“Addicted to Arenas and people screamin’ my name, But it’s time to let go, it’s time to change”
Amen Logic
Un départ ne vient jamais sans explications et celles de Logic viennent tout bonnement de sa guérison. La nostalgie en est le fil conducteur.
La thérapie a fait son effet
Le succès de Logic est lié à un fait très important : l’espoir donné à sa communauté. A travers sa carrière, le rappeur s’est illustré avec des textes profonds comme sur l’emblématique “1-800-273-8255”, morceau combattant le suicide. Mais paradoxalement, Logic ne s’est jamais senti heureux dans son existence. C’est par la musique que sa guérison s’est produite. Une thérapie finit toujours par marcher, et Logic baigne maintenant dans un bonheur visible à travers ses textes. Le titre “man i is” relate sa fierté d’être devenu bon, d’avoir progressé à travers sa discographie.
“I said I’m happy the man I is, And I’m proud of the man I’ve become”
man i is Logic
Logic se confesse notamment sur “Dark Place”. Il y explique que le rap n’est plus une thérapie pour lui, que cela l’a lassé. Il continue le morceau en racontant que d’être heureux est bénéfique pour lui. Cependant il prend conscience que sa tristesse effacée n’a finalement pas d’explication. Être triste est naturel et il faut savoir l’accepter.
“Shit, I’d love to end this on some positive shit, But it’s okay to be sad sometimes and tired of shit, I guess”
Dark place Logic
Une ode à ses influences
“Logic cites Nujabes, MF Doom, RZA, and Kanye West as key inspirations behind his productions style”
Perfect (outro)
Voici l’outro du morceau “Perfect”, qui résume parfaitement les influences qui ont menées Logic durant sa carrière. Le dernier de la liste, Kanye West, en est la principale. Le rappeur de Maryland lui fait référence à de nombreuses reprises dans son projet. On retrouve par exemple une reprise de la mythique intro de Graduation dans “5 hooks”. Il y aussi une référence au morceau légendaire de Kanye dit “Jesus Walks” dans le titre “Hit My Line”.
“Now I ain’t sayin’ this my “Jesus Walks”, I’m just sayin’ God I need to talk”
5 Hooks Logic
“It’s what you all been waitin’ for, ain’t it?”
Reprise de l’intro de graduation de Kanye West
Outre le rappeur de Chicago, Logic rend hommage à bien d’autres artistes. Le morceau “man i is” comporte par exemple une phase très intéressante.
“Antoine, Erykah and 3K, Can’t forget ain’t here today, R.I.P JD and Pimp C, Payin’ respect so don’t hold it against me”
On retrouve en effet dans ce passage une ode à Big boi et Andre 3000 (Antoine et Andre 3K). Un hommage est aussi de mise pour J Dilla (JD) producteur légendaire de Detroit et Pimp C, moitié du duo UGK. Reste la référence à Erykah Badu, légende du reggae. C’est d’ailleurs son titre “Didn’t Cha Know” qui est utilisé en sample dans “man i is”. Pour l’anecdote, le sample avait déjà été utilisé avec “indica badu” de Logic sur Bobby Tarantino II.
Logic profite aussi de son départ pour dédicacer son ami Kendrick Lamar sur “Open Mic” en utilisant un sample de “The Heart Pt. 2”. Il dédie également une phrase à J. Cole sur “man i is” en reprenant l’intro de son titre “Too Deep for the intro”. C’est donc une symphonie de références qui retentit à nos oreilles à l’écoute de No Pressure. Un bel hommage de la part de Logic.
La production : de New Orleans à Londres
Le retour de No ID ne pouvait annoncer qu’une chose : une production de génie. Cette dernière, complétée par le fidèle 6ix et par Logic lui même, prend part dans différents registres musicales. Le plus évident est ce retour aux mélodies chill, un style qu’on peut aujourd’hui rapprocher à Curren$y. Fait de drum lent et de sample soul, cette mélodie se retrouve dans les morceaux “man i is”, “DadBod” et “No Pressure intro”.
Le piano est également très présent au sein du projet. L’instrument prend place de façon différente. Sur “Hit my Line” il est présent d’une façon positive, il prend un air plutôt naïf. Il conclut également également l’album sur “Obediently Yours” avec une sensibilité nostalgique. Le morceau “Celebration” produit par No ID reprend lui des bases chères au producteur. On retrouve un sample jazzy semblable au productions de Jay-Z et Dipset. Le coup de théatre du projet vient ensuite avec “Perfect”, morceau grime. Un fait plutôt rare au Etats-Unis.
Adieu donc à l’un des prodiges de la décennie. Une plume affûtée au passé douloureux s’enfuit. Logic quitte le monde musicale avec un album de grande classe. Il laissera un grand héritage derrière lui avec son label Bobby Boy record. Désormais, Logic va vivre. La musique l’a sauvé pour toujours.