Étonnamment, la Caroline du Nord est un état peu cité parmi ceux qui ont façonné le rap. Il est pourtant le lieu d’origine de J. Cole, Rapsody, DaBaby ou encore Jermaine Dupri. On remarquera que ces artistes ont détenu une influence assez majeure sur le rap depuis quelques années. Et cela n’est pas fini. Un petit nouveau vient de débarquer de nulle part sur les plateformes de streamings et sa visibilité à considérablement augmenté, j’ai nommé Morray. Découvert grâce à son single “Quicksand”, il fallait absolument que l’on vous parle de cet artiste étourdissant.
A child of North Carolina
Né en 1992 à Fayetteville, Morray est depuis l’enfance passionné par la musique. C’est un art qu’il développe très tôt en participant à des chorales dans son église locale. Il ne tardera pas ensuite à tomber amoureux du R&b et du rap. Malheureusement, son père l’abandonne très jeune pour rejoindre une autre compagne. Sa mère, en manque de moyens, est ainsi contrainte à l’élever dans un motel de bas coût. Le jeune morray tombe ensuite dans les mésaventures de la rue en volant de temps à autre. Il se fait donc arrêter pour la première fois à 13 ans. A l’approche de ses 20 ans, Morray enchaîne les petits jobs et s’enfonce dans la précarité. Il finit par trouver un autre amour que la musique en rencontrant sa femme, le voilà lancé dans une vie simple avec comme seul espoir sa voix authentique.
L’explosion inespérée
Alors qu’il approche la trentaine, Morray enregistre son premier morceau par ses propres moyens. Il demande à sa femme, qu’il considère comme sa première inspiration, son avis sur ses capacités artistiques. Cette dernière va l’encourager à continuer la musique, à approfondir son écriture de façon à ce qu’elle soit la plus réaliste possible. Morray n’a rien à perdre, il est alors sans emploi et sa femme manque de moyens pour subsister. Stylo à la main, le rappeur écrit “Quicksand” et “Big Decisions” quelques jours après ses tourments vont prendre fin.
En Octobre 2020 paraît le premier morceau cité, c’est un véritable carton. Jay-Z cite “Quicksand” parmi sa liste de ses morceaux préférés de 2020, Spotify ajoute son morceau à la prestigieuse playlist Rap Caviar et les radios nationales affichent sa tête partout. Morray est lui-même abasourdi par ce succès alors que ce morceau est alors son unique ligne dans sa discographie. Charbon oblige, il a sorti une poignée de morceaux dont le récent “Kingdom”. Aussi courte que sa biographie, sa carrière a néanmoins tout pour rejoindre les grands noms du paysage Américain.
Espoir et cordes vocales
Pour bien appréhender la musique de Morray, il faut s’immiscer dans un storytelling intense et s’apprêter à ressentir des émotions fortes. Le rappeur n’invente certes rien par sa voix de bluesman mais sa capacité à retranscrire le réel est impressionnante.Chaque morceau sorti avec délicatesse, raconte ainsi une histoire sans tomber dans les clichés de l’américain précaire en manque d’argent. Le rappeur donne un certain espoir grâce à sa voix encourageante, de plus sa capacité à changer de flow rapidement plonge davantage l’auditeur dans sa musique. Sur “Quicksand”, Morray raconte comment il vient d’échapper à la profondeur de la rue. Il explique, non sans nostalgie, sa fierté d’avoir enfin réussi et que tout est possible même dans le pire désarroi.
Ce sentiment nostalgique est également présent sur “Big Decisions”, son deuxième morceau qui raconte son passé et ses erreurs pour en tirer une conclusion positive. Mais l’aspect le plus présent dans l’écriture de Morray est son sens de la famille. Il met à l’honneur sa mère sur “Dreamland”, en la remerciant de ses nombreux sacrifices. Sa femme est aussi comblée d’éloges, elle nécessiterait un “Kingdom” pour Morray, qui ne semble jamais à court de remerciements envers elle. L’espoir est finalement un thème prioritaire pour le rappeur, son sens de bluesman y ajoute une touche nostalgique. Un Muddy Waters moderne se cache peut-être en Morray, l’avenir nous le confirmera.
Quel avenir pour Morray ?
Sans jouer les devins, on peut s’attendre à de beaux projets de la part de Morray à l’avenir. Le trentenaire est un rappeur tout sauf ridicule et sa voix écorchée est plutôt accessible au grand public. En gardant son esthétique de bluesman, il devra cependant faire attention à ne pas être trop répétitif tout en restant authentique. Son côté très “chantonné” peut en effet ressembler à du Rod Wave par moment. De plus, ses choix de productions sont parfois trop évidents et on attendra une prise de risque de sa part pour se mesurer aux grands de ce jeu. Bien que rien n’est annoncé pour le moment, sa surproductivité indique fortement l’arrivée d’un premier projet. Morray pourra compter sur ses expériences afin d’avancer au maximum, sa plume, elle, ne risque pas de s’estomper.