Après les mixtapes « Without Warning » et « Savage mode » le duo phare d’Atlanta revient en 2020 avec une suite à cette dernière. Évolution dans un sens, déception de l’autre, Savage mode 2 est un des projets les plus complets de l’année. L’ambiance oppressante du premier projet avait créé un engouement général pour un second opus. En s’attendant à du changement, on ne peut pas être déçu de ce projet, mais la sombritude attendu par d’autres s’est légèrement effacé. Prenons le temps, et décortiquons ce nouvel épisode.
Un changement assumé, plutôt réussi
En lançant la lecture de l’album, je m’attendais à une flambée de haine ou à différents coups de pressions vocaux. La 4ème piste est ensuite arrivée et j’ai réalisé que ce second opus de Savage Mode prenait une direction tout à fait différente. On retrouve une atmosphère plus détendue. Les productions sont aux accents années 80 avec des symphonies de pianos parfois kitsch « Said N One« . Les paroles ventent la P*ssy, la richesse. La nostalgie vient même s’intégrer dans les textes de 21. Sans parler de morceaux commerciaux, la simple présence de Drake en featuring sur « Mr. Right Now » montre une nouvelle volonté de la part du duo, celle d’aller vers un autre public. Les morceaux smooth tels que « Rich nigga shit » ou « Said N One » contribuent aussi à cela.
Le luxe, les belles voitures et les femmes ont toujours été des caractéristiques propres des deux artistes. Mais cette fois, on les sent plus détendus, plus enclin à s’affranchir d’une rue qu’ils ont quitté pour un manoir flambant (présent d’ailleurs sur la cover du projet). En parlant des productions de ce genre, on ne voit pas d’innovation de la part de Metro Boomin. Il réalise un travail de grande qualité mais ne se met pas vraiment en danger en proposant toujours un minimalisme vertueux caractérisé par des sonorités aquatiques et des samples de Jazz et de Classique. Le changement vient donc dans les thèmes qui s’aventurent dans un monde de richesse et de gloire. Cependant, 21 n’en a pas fini avec ses démons du passé. Les polémiques le visant ces dernières années ne l’ont pas affaiblie et sa rage est toujours omniprésente.
La rage d’Atlanta
Le récent clip de « My Dawg« , deuxième vidéo promotionnelle de l’album, paraît aux premiers abords simple et épuré. Pourtant un élément est à remarquer dans la réalisation. C’est celui de l’exécution de 21 par ce qui semble être des soldats anglais de l’époque coloniale. Cette image est bouleversante par sa cruauté mais aussi par sa signification. Elle représente d’un côté les problèmes liés aux violences policières dans le monde mais aussi la polémique visant 21. Cette dernière a révélé que le rappeur était Londonien, que son Visa ne devait durer qu’une seule année, et qu’il était donc en situation d’expulsion du territoire américain.
Véritable raz de marée dans les médias, cette annonce avait mené à un grand soutien pour 21 notamment de la part de Cardi B. Les soldats lui tirant dans le dos montrent finalement la dureté qu’a vécu Slaughter ces deux dernières années. Ce dernier a donc son mot à dire. La violence et le hardcore de Savage Mode 1 sont cette fois-ci plus représentés par une rage envers le passé. Savage Mode 2 est en quelque sorte la revanche des Géorgiens. Avec une intro puissante « Runnin« , dramatisée par la voix de Diana Ross, 21 parle ouvertement d’un passé qu’il assume pleinement.
Violence de gangs, trafic de drogues, meurtres resteront à jamais gravés dans le coeur de 21 qui s’affranchit cependant d’un total amour pour laisser place à la loyauté (« RIP luv« ). Sur « Many Men« , le rappeur parle de sa jeunesse, de ses moments où il a crut voir la mort, une belle référence à 50 cent. « Snitches & rats« , lui exprime une haine envers les traîtres, et met même en scène une comparaison étonnante avec les balances.
Young Nudy, cousin de 21, vient accentuer le message du morceau en prouvant la réussite familiale qu’ont exercé les deux hommes. Le planant « No Opp left behind » vient ensuite sortir les crocs. Une production plus calme aux antécédent féériques qui donne un côté loufoque aux paroles trash de 21, voilà encore une fois une belle réussite de la part du duo. Si ces derniers prennent toujours part à une ambiance sombre, le côté cinématographique avait été oublié avant ce projet. Une erreur que les deux artistes ont corrigé.
Morgan Freeman où la scénarisation de 21 savage et Metro Boomin
Monument du cinéma mondial, Morgan Freeman est en soit la grosse surprise du projet. A l’image de Julius de Sch, l’acteur tient un rôle de narrateur tout au long du projet en ouvrant et en concluant la scénarisation. On ne peut parler d’une histoire à son sens propre mais plutôt d’une création d’ambiance, plutôt sombre. En introduction, l’oscarisé tient des paroles philosophiques en expliquant la complémentarité de Metro et 21.
« Great men with great ideals can be separated by hundreds or even thousands of miles and still be in the same place »
Morgan Freeman
Une sorte de prologue qui plonge l’auditeur directement dans l’univers notamment grâce à cette voix mythique qu’est Freeman. S’ensuit différentes prises de paroles durant tout le projet. Sur « Runnin« , l’acteur sous-entend les prises de positions peu objectives des fans à l’égard des seconds projets. L’homme revient en intro de « Many Men » en expliquant les aléas de la vie, qui sont selon lui à double tranchant. On voit là une référence à l’histoire de 21, qui en ayant frôlé la mort, a rencontré une vie d’un confort inimaginable. « Snitches & Rats » vient ensuite et est sûrement le meilleur passage de Morgan.
En expliquant les différences entre une balance et un traître, l’acteur en vient à déterminer que le traître est encore plus détestable que son compère. Une explication très utile à la compréhension du morceau qui s’ensuit. « Said N One« , avant-dernier morceau du projet explique lui les tourments de l’amour et enchaîne avec le conclusion de Savage Mode II. Dans cette dernière on assiste à des allusions à l’encontre d’un système trop civilisé. L’acteur nous conseille de rester en mode Sauvage et conclut par un seul mot : « peace ». On voit par ce simple mot la possible signification de l’album : la rédemption de 21 et Metro.
Le temps des hommages
En faisant de nombreuses références à leur passé, 21 et Metro n’en oublie pas leurs prédécesseurs du rap game. Une sorte d’hommage alors que le rap atteint un pic historique de popularité. Premièrement la magnifique cover du projet signé Pen & Pixel est un hommage évident à l’ère No Limit Record. Label légendaire de la Nouvelle-Orléans, on voit la une fierté sudiste représentée par les deux artistes Géorgiens. Le morceau « Many Men » est lui une ode à 50 cent. En racontant son histoire, 21 s’identifie directement au rappeur de Jamaica Queens. La fin du morceau sample même la voix de Curtis et son refrain légendaire.
« Many men wanna kill me, dawg, I feel like 50 »
21 Savage
On retrouve des références sudistes à de nombreuses reprises dans « Savage Mode II ». La plus marquante se trouve dans « Slidin » avec le game changer de la trap alias Flockavelli.
« Fell in love with them chopper sounds, Waka Flocka Flame »
21 Savage
La prise de risque la plus marquante du projet vient ensuite avec le son « Steppin on Niggas ». L’instrumentale est fortement inspirée du rap west coast des années 80 en reprenant des drums de N.W.A. 21 montre sur ce morceau sa capacité à s’adapter à différentes productions et prouve encore une fois le changement pris par ce deuxième volume.
Par ce second volet de qualité, le duo nous prouve encore une fois qu’il est capable de se renouveler. Sans pour autant renouveler le jeu, 21 et Metro s’installent petit à petit comme des personnages incontournables du rap américain.
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