Au cours des dernières saisons, plusieurs propriétaires de franchises en NBA ont vu leur gestion remise en cause par les fans. Les cas de James Dolan à New York ou Glen Taylor dans le Minnesota sont bien connus. Pourtant, aucun n’a égalé le niveau de controverses et de critiques généré par le passage de Ted Stepien à la tête des Cleveland Cavaliers. Entre 1980 et 1983, l’homme d’affaires va multiplier les décisions dénuées de sens et les déclarations sulfureuses. Il faudra une intervention de la ligue pour le pousser à vendre ses parts! Un triste épisode dont résultera l’adoption d’une règle portant encore aujourd’hui son nom.

D’investisseur providentiel à tyran

Le début des années 1980 est une période difficile pour la NBA. Les salles peinent à se remplir. Les investisseurs se font rares dans une ligue marquée par les nombreuses bagarres générales. Et il faut ajouter à ce tableau l’importante consommation de drogue chez certains joueurs. Les temps sont vraiment durs pour la jeune franchise des Cleveland Cavaliers. En effet, elle n’évolue dans la Grande Ligue que depuis seulement dix saisons. De ce fait, elle n’attire pas vraiment les financiers. L’équipe est, donc, dans une situation économique précaire. Finalement, cet épisode débouchera sur le rachat de 82 % des parts de la franchise par le directeur de la « Nationwide Advertising », Ted Stepien. Si le nouveau propriétaire va, dans un premier temps, séduire avec un projet visant à faire gagner rapidement l’équipe, il va très vite se retrouver au cœur de plusieurs polémiques.

À son premier entretien avec l’entraîneur de l’équipe, Stan Albeck, Ted Stepien lui fait immédiatement savoir qu’il souhaite le licencier. Ce sera chose faite quelques semaines plus tard après que Stan Albeck ait refusé de drafter Rich Yonaker. Stepien lui avait expressément demandé de le sélectionner. Pourquoi ? Parce qu’il avait fait des affaires avec son père dans le passé. Ensuite, il sera remplacé par Bill Musselman, un entraineur de ligue mineure sans grande expérience. Ce dernier lui avait été recommandé par un ami, l’ancien joueur de baseball, Billy Martin. Sans surprise, l’expérience sera un échec total. L’équipe perd 46 de ses 71 premiers matchs. Par ailleurs, plusieurs employés de l’équipe décriront un personnage assez peu professionnel, régulièrement en retard et n’ayant certainement pas le niveau pour entraîner à un tel échelon.

Une gestion douteuse….

Si sa gestion interne est déjà douteuse, Ted Stepien va aussi rapidement voir sa relation avec les fans se dégrader. Désireux d’imposer sa marque sur l’équipe, il renommera le groupe de Cheerleaders les « Teddy Bears ». Les musiques d’ambiance de la salle vont être remplacées par de la polka, car c’est son style de musique préféré. Il insistera également pour que son visage apparaisse sur les affiches faisant la promotion des Cavaliers. Enfin, sa relation avec les supporteurs sera définitivement rompue après sa décision de renvoyer Joe Tait. Il était le commentateur historique des Cavs depuis 1970. Il faut dire que Joe Tait avait publiquement critiqué Ted Stepien. Bref, une attitude qui laisse songeur sur le personnage. Mais ce n’est que le début d’une série de décisions qui mèneront la franchise de l’Ohio droit dans le mur.

Avec quatre entraîneurs différents et un bilan de 15 victoires pour 67 défaites sur la saison 1981-1982, les Cavs de Ted Stepien hériteront du surnom peu enviable des « Cleveland Cadavers »…

L’homme qui voulait gagner trop vite

Comme expliqué plus haut, Ted Stepien a pour projet de rendre les Cleveland Cavaliers compétitifs le plus rapidement possible par le moyen d’échanges avec les autres franchises. Comme il est peu séduit par l’idée de récupérer de jeunes joueurs à la draft, il va donc progressivement délester l’équipe de tous ses futurs choix pour mettre la main sur des éléments plus expérimentés. Malheureusement, cette stratégie va vite s’avérer désastreuse. Stepien va enchaîner les décisions incompréhensibles. Il va se séparer de plusieurs atouts précieux pour récupérer des joueurs de niveau moyen. Il va offrir des contrats exorbitants pour l’époque à de parfaits inconnus ou parfois même à des joueurs blessés! Une chose est certaine, le propriétaire des Cavaliers aurait fait un bien piètre dénicheur de talents.

Nombreuses mauvaises affaires…

Parmi ses nombreuses mauvaises affaires, la plus tristement célèbre restera un échange qui verra les Cavs envoyer leur premier tour de draft 1982 aux Lakers pour un certain Butch Lee. Les résultats de la franchise étant catastrophiques, le trade va permettre aux Angelinos de mettre la main sur le premier choix de la draft qui deviendra…la légende de la franchise James Worthy ! Finalement, Stepien se séparera de tous les tours de draft de la franchise allant de 1981 à 1986. Cette opération rendra impossible toute reconstruction. De quoi s’en mordre les doigts encore aujourd’hui. D’autant que la plupart de ces choix de draft permettront à leurs heureux acquéreurs de récupérer de très bons joueurs (Dennis Rodman, Detlef Schrempf ou Sam Perkins entre autres). Cela amènera le président de la NBA en personne, Larry O’Bryen, à interdire à Stepien de faire des transferts !

Les habitants de Cleveland vont également être Agacés par l’attitude du propriétaire de la franchise locale. Ce dernier ne semble pas vraiment apprécier la ville. Il va même proposer de renommer l’équipe « Ohio Cavaliers ». Il prétexte que personne ne sait placer Cleveland sur une carte. Pour compenser la faible affluence aux matchs, il proposera aussi de délocaliser des matchs à Pittsburgh et Buffalo. Ces villes ne se trouvent même pas dans l’Ohio. Effectivement, l’affluence aux matchs des Cavaliers est plus que problématique. Moins de 4000 spectateurs assistent aux rencontres, le chiffre le plus faible de la ligue. Fatigué par les critiques, le sulfureux propriétaire se lancera dans une confrontation directe avec les habitants de la ville. Il menacera même de déménager l’équipe à Toronto.

Une revente pour sortir du cauchemar

Face aux résultats catastrophiques de sa franchise (à qui la faute ?), Ted Stepien va commencer à se lasser de l’univers du basket, tel un enfant de son jouet. Sur le plan financier, le rachat des Cavs s’est transformé en véritable gouffre pour sa fortune. En effet, le bilan affiche 20 millions de dollars de perte en trois ans. Épuisés par ses caprices, la Ligue et les autres propriétaires vont évidemment voir cette résignation d’un bon œil. La Ligue facilitera même la revente en promettant la mise en place de tours de draft supplémentaires pour permettre aux futurs acquéreurs de reconstruire l’équipe. Enfin, à l’été 1983, Ted Stepien cédera l’intégralité de ses parts dans la franchise aux frères George et Gordon Gund. Ils étaient déjà propriétaires de la salle des Cavaliers.

A son arrivée, Ted Stepien nomme Bill Musselman (à gauche) au poste d’entraîneur. En effet malgré de bons résultats obtenus par le passé et sa détermination, il restera en poste le temps de 86 matchs seulement, pour un bilan de 29 victoires et 57 défaites.

Le bilan de l’ère Stepien est bien maigre. En trois saisons, l’équipe accumule 180 défaites pour 66 victoires, tout en cédant ses choix de draft. Durant ce court laps de temps, sept entraîneurs se succèdent sur le banc de la franchise. Tous ont l’espoir de relancer l’équipe. Malheureusement, à chaque fois en vain. Sur la seule saison 1981-1982, le front office engage successivement pas moins de quatre tacticiens : une folie !

La ligue qui mettra ensuite en place la « Ted Stepien Rules »

C’est ainsi que l’histoire aura malgré tout servi de signal d’alarme pour la ligue qui mettra ensuite en place la « Ted Stepien Rules ». Cette règle interdit aux propriétaires de transférer leur premier tour de draft deux années de suite. La nouvelle disposition permet ainsi de limiter les conséquences d’une mauvaise gestion sur le long terme.

En seulement trois saisons, Ted Stepien sera bien parvenu à marquer de son empreinte l’histoire des Cleveland Cavaliers. Certainement qu’Il n’imaginait certainement pas le faire de cette manière. Entre incompétence, amateurisme et communication désastreuse, l’homme d’affaires aura manqué de faire disparaître la franchise jusqu’à son rachat inespéré. Un bilan catastrophique qui poussera même la NBA à adopter une règle portant son nom. L’objectif est qu’aucune nouvelle équipe ne se retrouve captive de son propriétaire. Bien que certains fassent encore polémique aujourd’hui, il sera difficile d’un jour d’égaler un tel niveau de médiocrité… du moins espérons-le !