Parfois oubliés, parfois boudés par les critiques, aujourd’hui, on te propose de (re)découvrir ces trésors cachés du hip-hop. Retour sur Soul On Ice (1996), le premier album du rappeur californien Ras Kass.
Premier album sous haute tension
1er Octobre 1996, le monde du gangsta rap s’agite de tous les côtés. Quinze jours plus tôt, 2Pac est victime d’un drive-by shooting à Las Vegas. Icône du rap West Coast avec Dr. Dre et Snoop Dogg (entre autres) et épaulé par le label Death Row de Suge Knight, ces trois-là ont fait main basse sur le rap game depuis plusieurs années, trustant les charts à coup de singles bien senties et de clips en boucle sur MTV. C’est dans ce contexte que sort le premier album de Ras Kass, Soul On Ice.
Le parallèle avec 2Pac est vite tentant d’ailleurs. Le titre de cet album ayant été inspiré d’un livre de Eldridge Cleaver, un des leaders des Black Panthers. La mère de Tupac ayant été une membre active de ce mouvement.
Technique raffinée et lyrics puissantes
Si Ras Kass est un pur produit de Los Angeles, son album n’y ressemble pas du tout. On est loin des standards de l’époque à base Thug Life plus ou moins réelle. Ici, on se rapproche énormément du son de New York. Revendicatif, et surtout ultra engagé dans la défense de la communauté afro-américaine.
S’il n’a pas eu la carrière qu’il méritait, ce premier album reste néanmoins son plus grand chef d’œuvre. Lyrics acerbes et piquantes, notamment sur l’énorme Soul On Ice, titre éponyme.
Take me to DC I’ll throw the first fuckin’ bottle/Cause I don’t give a fuck about a menial existence/And I don’t give a fuck about nonviolent resistance/Civil rights will not suffice/In the name of Jesus Christ they got my soul on ice.
Rimes multi syllabiques découpées au scalpel, flow fluide et puissant, on a également face à nous un rappeur ultra technique, jouant avec les mots tout en se mettant à nu devant nous sur le génial « Reelishymn ».
Who can I blame ‘cause my skull can’t contain these thought waves/My syntax hydroplanes as though my brain/Slides over liquidated grains of asphalt caught cranial calluses/Over analysis leads to paralysis, mediocrity my nemesis/Try to fuck every radical feminist I meet, call it engage and defeat.
Si la première piste de l’album On Earth As It Is… est très brute, les autres morceaux sont plus mélodieux. Petite parenthèse mafieuse avec le titre Miami Life, créé exprès pour le film The Substitute de 1996. Morceau qui s’inscrit dans la veine de ceux de Kool G Rap ou encore Nas, mais qui dénote du reste de l’album. Il n’en reste pas moins génial et terriblement efficace.
Premier essaie concluant
Mêlant messages forts, vie personnelle, storytelling, le californien n’hésite jamais à rappeler qu’il reste au-dessus du lot. Il place un petit tacle à la compétition, celle de Los Angeles, ou bien ses concurrents de New York. Ces derniers en prennent d’ailleurs pour leur grade sur Sonset. Leur signifiant que le Hip Hop a peut être été inventé dans leurs rues, ils devraient, malgré tout, aider cet art à s’exporter au-delà des frontières la Grosse Pomme.
S’il peut s’avérer être difficile d’accès par certaines instrus un peu trop brute, ce premier effort reste d’une rare qualité en termes d’écriture et de technique. On peut certainement se demander si Ras Kass aurait eu une carrière différente si cet album était sorti quelques années avant le drame de Las Vegas. Succès d’estime par les médias américains, qui voyaient en cet album le pendant d’Illmatic de Nas pour la côte Ouest, l’essai ne sera jamais transformé. La faute à une maison de disque qui enterrera petit à petit Ras Kaas et qui sera condamné à repousser et ne jamais sortir deux albums d’affilé (Van Gogh en 2001 et Goldyn Chyld en 2003).