Parfois oubliés, parfois boudés par les critiques, aujourd’hui, on te propose de (re)découvrir ces trésors cachés du hip-hop. Retour sur Maths + English (2007), le troisième album du rappeur londonien Dizzee Rascal.
Pillier de la Grime
Le rap français s’est largement inspiré du rap américain, et s’en inspire encore aujourd’hui. A contrario, nos amis du Royaume-Uni ont toujours clamés leur indépendance musicale. Dans les bas-fonds des quartiers populaires de Londres ou de Birmingham, nait, au début des années 2000, la Grime. Là où le rap que nous connaissons puise son inspiration dans le Jazz ou la Soul, la Grime est un tout autre genre. Elle tire son origine dans la musique électronique, avec une pincée de Dancehall et de Hip Hop, saupoudré d’une rythmique très rapide. A titre d’exemple, la Grime est à 140 BPM contre 90-100 pour un beat Hip Hop standard.
Cette vague Grime envahit petit à petit les radios pirates de Londres. Des artistes tels que Kano, Lethal Bizzle ou encore Wiley ont permis cette explosion. Ce dernier prendra d’ailleurs sous son aile un gamin de 16 ans qui vient de produire lui-même son premier titre I Luv U , répondant au nom de Dizzee Rascal.
Musique à caractère nationale
Au fil des ans, la Grime s’impose comme un style à part entière du rap UK, mais s’exporte difficilement outre Atlantique. Il est vrai que ce style de musique n’est pas facile d’accès pour l’auditeur lamba de Hip Hop. Et l’accent britannique très prononcé de certains artistes peut aussi en déranger quelques uns. Il faudra attendre 2007 et le troisième opus de Dizzee Rascal, Maths + English, pour qu’enfin la Grime puisse résonner sur les terres américaines.
Réussir sans travestir sa musique
Avec sa pochette toute rose, l’album détonne. Selon Dizzee, Maths équivaut à la production de beats, tandis que English se réfère plutôt à l’écriture. Clairement ce troisième disque se veut beaucoup plus accessible. J’ai découvert Dizzee Rascal avec cet opus, et même aujourd’hui j’ai encore beaucoup de mal avec ses deux premiers projets (Boy In Da Corner et Showtime). Après avoir récolté un disque d’or pour ses deux derniers opus, le Royaume-Uni semble trop petit pour le rappeur londonien. L’album est à contrecourant de ce qu’il pouvait faire auparavant.
Des collaborations étonnantes
D’abord, pour réussir son exportation sur le territoire américain, il ne va pas chercher le rappeur hype du moment à New York ou Los Angeles, mais se tourne plutôt vers Houston. Habitués à des beats plus chaud et lent, Bun B et Pimp C du groupe UGK viennent chacun poser un couplet sur l’étonnant Where’s Da G’s. Afin de toucher un maximum de personne, on retrouvera également une collaboration avec Alex Turner du groupe Artic Monkeys, Temptation et la star montante de la pop anglaise de l’époque, Lilly Allen pour Wanna Be.
Et même si l’album sonne moins Grime que les précédents, on y retrouve quand même sa marque de fabrique. Il rappe comme un dératé sur U Can’t Tell Me Nuffin’ ou bien de manière plus posée sur Excuse Me Please. On y apprécie mieux son travail sur des beats plus lents, comme sur le premier titre World Outside. Il posera aussi une des premières pierres de la musique électronique 2 Step, popularisée entre autres par DJ Fresh en Angleterre, avec le titre Da Feelin. Enfin, comment ne pas évoquer le single de l’album Sirens ? Angoissant par son clip, le titre, lui, tourne le dos à la Grime pour s’orienter vers une sonorité Hip Hop/Rock des plus agressives.
Mention très bien, mais ne pas se reposer sur ses lauriers
L’album est un succès en Angleterre. Maths + English sortira un an plus tard aux Etats-Unis, mais quoi qu’il en soit, le pari est réussi. Au lieu d’essayer de jouer au gangster américain en abandonnant ses idées, Dizzee réussit le pari de rendre sa musique plus mainstream mais sans pour autant se dénaturer. Que ce soit sur de la Grime, du Rock, de l’Electro, instru lente ou rapide, le rappeur londonien nous fournit sa meilleure galette à ce jour avec ce projet. Par la suite, il empruntera certains chemins obscures qui ne plairont pas forcément à tous le monde (Tongue N Cheek en 2009 et The Fifth en 2013), mais peu importe, Dizzee Rascal a atteint son rêve, exporter sa musique dans le monde entier.