De par son indéniable talent et son univers unique, Trippie Redd est devenu l’une des têtes d’affiche du rap américain depuis 2016. Après les deux premiers volumes de A Love Letter To You et les classiques que sont “Loves Scars” et “Hellboy”, le rappeur a sorti Life’s a Trip, son premier album. Époustouflant et planant, ce projet marque un réel tournant dans la jeune carrière de Trippie. Rien ne semble pouvoir l’arrêter avec sa capacité à pouvoir chanter et diverger entre rock et rap.
Néanmoins, le curriculum vitae de Trippie ne va pas s’étoffer davantage après cet album. Entre des projets surchargés, une imagerie parfois trop forcée et une perte de cohérence, le rappeur va semer le doute parmi ses fans de longue date. Et pourtant, après 3 ans de brouillard, une éclaircie est survenue. A son origine : Trip At Knight, le huitième projet en date du rappeur. Intrigant, ce projet m’a donné envie de croire à nouveau en Trippie. Un renouveau qui semblait impossible lors de la parution de Pegasus mais qui semble de plus en plus envisageable aujourd’hui.
Un retour contrastée après Life’s A trip
L’été 2018 a proclamé la naissance d’une nouvelle icône, l’automne de cette même année en a marqué la conclusion. Après Life’s A Trip, Trippie revient seulement trois mois après avec A Love Letter To You 3. Une surproductivité qui pouvait se présenter dangereuse pour l’artiste avec un risque de lassitude pour le public. Ce projet à pourtant pris la forme d’une réédition de haut niveau. Mené par les singles que sont “Topanga” et “1400 / 999 Freestyle”, ce troisième volume des ALLTY était étonnamment excellent. Mis à part certains remplissages nécessaires, on retrouve une essence propre à Trippie et on le sent aussi prendre en maturité. C’est à partir de ce projet que le côté furieux de l’artiste se dissipe au profit de morceaux plus doux.
Un an après, Trippie sort son deuxième album intitulé ! en hommage au ? de XXXtentacion. L’attente est forte, notamment grâce à “Snake Skin”, le très bon single de l’album. Cependant ce projet se montrera assez moyen dans l’ensemble. Il n’y a plus le côté très excentrique de Trippie et certains morceaux paraissent très fades. Jusque là rien d’alarmant pour le cas de Redd. On attend néanmoins que l’artiste remette en question sa carrière pour rebondir bien plus fort en suite.
Ce que l’artiste ne va pas du tout exercer. Seulement trois mois après !, le rappeur balance ALLTY 4. Condensé de 27 titres, ce qui est le double du nombre de titres habituels présents sur les ALLTY, ce quatrième volume perpétue la perte de vitesse de Trippie. Il y a pourtant de bonnes idées comme le clip en pâte à modeler de “The Grinch” ou l’invitation d’étrangers comme Youv Dee. Malheureusement l’ensemble est décevant, à l’image de “Love Me More”, un morceau acoustique qui manque cruellement de sève mais qui a pourtant cartonné aux Etats-Unis. On se dit alors que tout est à refaire, que Trippie n’est plus le dément énergumène qu’on avait tant aimé découvrir en 2016.
Pegasus : le néant et la gêne
Teasé pendant longtemps, Pegasus s’est rapidement apparenté à un nouveau départ. En effet ce dernier paraît presque 1 an après ALLTY 4, soit une éternité pour l’habituelle productivité de Trippie. On s’attend donc à un vrai renouvellement, de nouvelles idées et un détachement des normes musicales qui ont entaché la carrière de Trippie. Le dévoilement de la couverture hype particulièrement le public avec un Trippie totalement culotté. De plus, le rappeur dévoile en interview avec Lyrical Limonade que l’album tournera autour d’un monde mystique et nocturne, empli de rêves et de nostalgie. On s’attend alors à un album en contraste avec le très ensoleillé Life’s A Trip.
Une semaine avant la sortie de l’album, c’est un étrange EP du nom de spooky sounds qui apparaît sur les plateformes de streamings. Long de 6 pistes, ce mini-projet n’est autre qu’un ensemble de bruits inutiles qui traduisent déjà l’échec marketing de Pegasus. Ainsi l’album sort le 30 octobre 2020 et déçoit très rapidement une fan-base déjà trop épuisée. La recherche musicale sur Pegasus semble estompée. Trippie propose un son teinté de R&B peu novateur que Partynextdoor va tant bien que mal sauver sur “Excitement”. Il épuise des adlibs qu’il possédait en 2015 pour en gâcher le charme. Il se permet aussi de détruire la légendaire trilogie des “Loves Scars” avec un quatrième volume sans intérêt, de même pour “Oomps Revenge Pt. 2”. Et que dire de cette horrible reprise de “I Know What You Want” de Busta Rhymes sur “I Got You”.
On ne retiendra rien de cet épisode de la carrière de Trippie. La réédition du projet mené par Travis Barker passera également totalement inaperçue.
Un nouveau départ avec Trip AT Knight
Ce qu’on à principalement perdu sur les deux dernières années avec Trippie est sa capacité à créer un univers. Au début de sa carrière on faisait connaissance avec un homme torturé par ses cicatrices d’amour. Puis on à découvert un artiste accompli, alliant chant et rap à la perfection sur des beats ensoleillés. On l’a ensuite perdu dans le wagon du mainstream où sa folie artistique s’est faite consumée par la surproductivité. Sa fureur a finalement décidé de ressurgir avec Trip At Knight, son huitième projet. Invraisemblable mais vrai.
C’est peut-être la déception de Whole Lotta Redd qui fait la réussite de cet album. Trop ambitieux et pas assez ouvert, le tant attendu album de Playboi Carti en a déçu beaucoup. Les fans de Trippie peuvent néanmoins le remercier, l’artiste géorgien est probablement à l’origine du renouvellement de la carrière de ce dernier. Avec son emblématique mumble rap, ses prods saturées et son univers punk, Carti a grandement influencé l’essence de Trip At Knight. Trippie a pourtant poussé le travail de Carti dans un registre ouvert et moins agressif. Ce qui est peut-être la bonne recette adaptée à ce style en fin de compte.
Trip AT Knight peut diviser par son aspect déstructuré. Mais qu’on n’aime ou pas il faut reconnaître que Trippie revient avec un univers unique. Il était temps. On est transporté dans un jeu vidéo des années 90 où l’on traverse des mondes nocturnes et illuminés. Les productions sont déroutantes à la première écoute, puis addictives au fur et mesure. On sent un Trippie revanchard contrairement à ses autres projets et sa formule classique de loveur est moins présente qu’auparavant. Il est vraiment de retour.
Le dernier titre de Trippie en feat. sur We Love You Tecca 2, intitulé “CHOPPA SHOOT THE LOUDEST” nous a définitivement confirmé qu’un nouveau Trippie était en train de naître. Débordant d’énergie, le rappeur semble enfin avoir retrouvé sa qualité au niveau des refrains et revient petit à petit à son essence première : sa folie.